Début 2018, l’officine dans l’est du pays avait été cambriolée à trois reprises. Sur le banc des prévenus s’est retrouvé lundi matin un de ses clients accro aux antidouleurs.
Dafalgan, Motilium, Valium… À côté de l’antidouleur Valtran, uniquement délivré sur ordonnance, c’est aussi toute une série de médicaments et de l’argent qui avaient disparu dans une pharmacie de Wasserbillig entre février et mai 2018. En l’espace de trois mois, l’établissement avait été cambriolé à trois reprises. Une tentative n’avait pas abouti. Mais à part un témoin pour le premier cambriolage la nuit, quelques traces de sang recueillies sur les lieux du crime après le deuxième fait, les autorités n’avaient pas pu récolter d’indices les menant sur une bonne piste.
Il a fallu attendre le cambriolage en date du 24 mai 2018 pour qu’un suspect atterrisse dans leur viseur. Après ce dernier fait, l’un des clients de l’officine s’était en effet présenté avec un rouleau de pièces de 50 centimes pour payer. Un rouleau comme celui qui avait disparu. La disparition de boîtes de l’opioïde Valtran lors des précédents cambriolages avait aussi attisé les soupçons des responsables de la pharmacie sur cet homme, âgé aujourd’hui de 37 ans. Selon leurs dires, c’est le seul membre de leur patientèle qui, muni d’une ordonnance, se procurait régulièrement cet antidouleur. «On lui avait dit qu’on ne pouvait lui en vendre tous les jours, qu’il devait aller plus doucement», se souvient l’une des employées de la pharmacie.
Des traces ADN retrouvées sur un tiroir
Saisie de l’enquête, la police de Grevenmacher avait relevé que le trentenaire s’était manifesté comme témoin lors du premier cambriolage le 5 février… En présence de tous ces indices, le parquet avait ordonné une perquisition à son domicile. Au total, 32 boîtes de Dafalgan, Tramal et autres médicaments y avaient été découverts dans un sac. Si, dans un premier temps, il avait dit que ce stock provenait de son père décédé, on avait vite vu, grâce à la date de péremption, qu’il s’agissait d’un lot plus récent. Le trentenaire avait fini par reconnaître le cambriolage du 24 mai. Mais c’est tout. Pour le fait de début février, il n’avait été que témoin, avait-il assuré. Il aurait été réveillé par un grand boum. En s’approchant du lieu du crime, il se serait juste blessé.
«Je fais usage de mon droit au silence»
Interrogé lundi matin à la barre, il n’en dira pas plus : «Je fais usage de mon droit au silence.» Son avocat, Me Yves Kasel, a plaidé l’acquittement, invoquant la nullité de la procédure. Il soulève que son client n’a jamais été entendu comme suspect – mais uniquement comme témoin – pour le premier cambriolage de février. Aussi le parquet se serait comporté illégalement. Car même lorsque les résultats de l’analyse des traces de sang, retrouvées sur une planche en bois et un tiroir, ont mis au jour son ADN pour le fait du 21 février, il n’aurait jamais été entendu. Et d’ajouter : «Ce n’est pas clair si les traces proviennent du 21 février, elles peuvent aussi être du 5 février…»
Un argument que le représentant du parquet balayera d’un revers de manche : «Si on constate un cambriolage, on peut observer la situation. Il ne faut pas entrer dans l’établissement et s’avancer jusqu’au dernier tiroir.» Le parquet en est convaincu : en appelant la police au 113 cette nuit-là, le trentenaire a voulu se protéger afin qu’on ne le soupçonne pas.
Me Kasel avait aussi estimé que la perquisition n’était pas une mesure de recherche de délit. Mais pour le parquetier cette dernière était bien légitimée sur la base d’indices concrets. Enfin, il s’interroge sur la provenance du rouleau de pièces de 50 centimes. «Ce n’est pas de cette manière que le RMG est payé.»
Prononcé le 16 janvier
Le seul fait pour lequel le parquet demande l’acquittement est la tentative de cambriolage du 23 mai. «Même si je suis convaincu que c’était lui, je ne peux le prouver.» Pour les trois cambriolages, il réclamera au final 18 mois de prison assortis d’un sursis probatoire contre le trentenaire déjà condamné pour avoir cambriolé un dépôt de nuit d’une banque en 2018 : «Qu’il retrouve un travail et règle son problème de dépendance aux médicaments avec un suivi psychiatrique.» Au vu de sa situation financière, il ne réclamera pas d’amende. Lors de la perquisition, un couteau prohibé avait également été saisi. Le parquet demande sa confiscation.
La 18e chambre correctionnelle rendra son jugement le 16 janvier.
Fabienne Armborst