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Au tribunal pour avoir détourné 95000 euros à l’Adem


L'affaire des milliers détournés à l'Adem avait éclaté mi-avril 2019. (Photo : Julien Garroy)

Un agent de chômage s’était bien rempli les poches entre février et avril 2019. Il s’était frauduleusement fait virer des indemnités de chômage. Deux hommes l’accompagnent aujourd’hui sur le banc des prévenus.

«Monsieur le président, vous avez déjà eu une dépression? Vous savez, quand on est là-dedans…» Qu’il est à l’origine des détournements à l’Adem qui avaient secoué l’actualité en avril 2019, le prévenu Patrick A. (46 ans) ne le conteste pas. Mais ses manœuvres frauduleuses s’expliqueraient par le fait qu’à l’époque, en instance de divorce, il aurait traversé une phase difficile… Voilà du moins l’explication livrée à la barre jeudi matin, à l’ouverture de son procès devant la 18e chambre correctionnelle.

Le quadragénaire travaillait comme agent de chômage à l’Adem d’Esch quand il a détourné près de 95 000 euros d’indemnités de chômage entre février et avril 2019. Depuis 2013, il faisait l’objet d’un prêt temporaire de main-d’œuvre à l’Adem. Comme 30 autres agents, sa fonction consistait à gérer et vérifier les demandes de chômage. Une fois qu’un dossier était complet, il pouvait le débloquer. C’était le feu vert. Le service de comptabilité n’avait plus qu’à exécuter les virements des montants dus. Avec les quelque 8 000 virements effectués deux fois par mois, plus aucun contrôle n’était effectué par derrière.

L’agent a donc profité de ce système pour débloquer frauduleusement un certain nombre de dossiers anciens. Le risque était sans doute moins grand que les demandeurs s’en aperçoivent. Sans grande difficulté, il avait manipulé le système, indiquant d’un simple clic, par-ci par-là, l’arrivée fictive de la fiche d’impôt requise par la procédure. Une manœuvre qui lui a permis de déclencher une cinquantaine de virements en sa faveur. Car préalablement il avait substitué ses coordonnées bancaires à celles des bénéficiaires.

«L’argent venait de l’Adem. Pour moi c’était légal»

Tout a éclaté au grand jour quand, mi-avril 2019, une somme était revenue à l’Adem. Le virement avait en effet été effectué sur une de ses cartes de crédit prépayées limitées à 2 500 euros. Les vérifications lancées à la suite de cet incident avaient permis de constater que deux autres hommes avaient bénéficié de cet argent.

Si pour le parquet Patrick A. se trouve à la tête de cette affaire, tous deux l’accompagnent aujourd’hui sur le banc des prévenus pour blanchiment-détention. Sur le compte de Davide M. (51 ans), quelque 18 000 euros avaient atterri. À entendre le quinquagénaire, qui se trouvait au chômage à l’époque, cela ne semble pas l’avoir trop perturbé. «L’argent venait de l’Adem. Pour moi, c’était légal», a-t-il indiqué aux juges. Toujours est-il qu’il avait transféré une partie de cet argent à Patrick A.

«Vous avez cru à un cadeau du père Noël?»

Eldin A. (44 ans), qui connaissait Patrick A. depuis plus longtemps et avait reçu quelque 14 000 euros sur son compte, conteste aussi avoir profité de cet argent détourné. Par tous les moyens, le président a tenté de lui tirer les vers du nez. «Vous avez cru que c’est le père Noël qui a fait un cadeau?» «Je pensais que c’était une faute de l’administration», finira par lâcher Eldin A. Mais cette histoire, le tribunal n’y croit pas trop. «Difficile à croire» que l’administration ait huit fois commis la même erreur… Le tribunal tentera aussi de voir plus clair dans cette histoire de vente de VW dont il était mention dans certains virements entre les prévenus.

À la barre, le principal prévenu, Patrick A., a, par ailleurs, indiqué avoir initié les manœuvres frauduleuses à l’Adem après avoir été victime de certaines pressions d’Eldin A. Mais c’est tout le contraire de ce que déclare ce dernier. Et quand on sait que Patrick A. a reçu plus de 54 000 euros à lui seul…

Ce qu’il s’est offert avec cette manne financière reste toutefois en grande partie un mystère. «Je ne l’ai pas fait pour m’enrichir», a indiqué Patrick A. à la barre. À part «un voyage à New York», le tribunal n’apprendra pas plus de détails.

À entendre le chef de service de l’Adem, aujourd’hui de tels détournements ne sont plus possibles. Car lorsque deux à trois montants sont virés sur un même compte, une alerte se déclenche. Et le personnel vérifie alors les transactions.

Suite des débats le 3 mars

En tout cas, l’Adem compte récupérer l’argent détourné en se constituant partie civile. Une seule audience n’aura cependant pas suffi pour venir à bout des débats. Suite et fin le 3 mars. D’ici là, l’Adem devra avoir transmis la copie de sa demande à toutes les parties. Ce qu’elle n’avait pas fait pour l’audience d’hier, ce qui a eu le don d’agacer le tribunal.

Fabienne Armborst