À la rue et sans travail, il avait cassé sonnettes, rétroviseurs, portes, une boîte aux lettres… À la barre face aux juges, jeudi après-midi, le quadragénaire y est allé cash. Pour réparer ses bêtises, il veut travailler.
«Je sais que mon casier judiciaire est plein. Il fait quatre pages…» À 42 ans, Joaquim ne le cache pas. Par le passé, il a fait pas mal de «bêtises» : «Vous savez quand il fait tellement froid dehors. J’ai cassé des portes…»
«Pas que des portes…», le rectifie la présidente. Il y a aussi le rétroviseur de la BMW Série 1 sur le Glacis le 22 mars 2019, à 11 h. «À la police, vous avez dit que c’est parce que vous étiez énervé, car vous n’aviez pas eu de croissant le matin.»
– «Vous savez, c’est pénible d’être à la rue et sans argent.»
Voilà pourquoi au mois de février il aurait trouvé refuge près des bancomats de deux banques pour dormir. Mais il y avait aussi cassé des lampes LED. «Pourquoi? Étaient-elles trop lumineuses?», s’intéresse la présidente.
– «Parfois oui.»
Mais c’est surtout la colère qui l’aurait poussé à faire ça. La colère, parce qu’il ne trouvait pas de travail. Au début de l’été 2018, il avait ainsi cassé les sonnettes d’un hôtel boulevard Roosevelt et d’une agence immobilière boulevard Royal. Et dans la rue du Puits, il avait carrément arraché et emporté une boîte aux lettres.
«Vous feriez mieux d’aller courir un peu pour vous défouler.» À cette pensée de la présidente, Joaquim rebondira plein d’entrain : «Au Bambësch par exemple!»
«I kill you, I have a knife»
Mais le programme jeudi après-midi était tout autre. Il fallait faire le tour de la suite des infractions. Le 8 mars 2019, le parquet lui reproche d’avoir tenté de voler le sac à main d’une femme dans un bus, avenue Guillaume, en essayant de l’étrangler avec une ceinture. Il conteste : «Ce n’est pas vrai. Ses cheveux me gênaient. Je voulais juste les lui attacher.» Mais la version de la plaignante n’est pas tout à fait la même. Elle déclare avoir bien vu passer la ceinture devant ses yeux. Et un des hommes qui avaient tenté de l’immobiliser en attendant l’arrivée de la police dit avoir été menacé. «I kill you, I have a knife», lui aurait-il lancé. Le prévenu conteste encore : «Ce n’est pas vrai. Je ne sais pas parler anglais et je n’avais pas de couteau!»
Pour le dernier incident qui remonte à la matinée du 13 janvier 2020, Joaquim est de nouveau en aveux. Dans l’entrée du Centre hospitalier de Luxembourg (CHL), il avait jeté une maquette du bâtiment, protégée par une protection plexiglas, par terre. Grâce aux caméras, il avait toutefois vite pu être identifié. Un gardien l’avait intercepté dans les couloirs de la polyclinique. Un responsable de la sécurité se souvient de ses explications très confuses : «Il m’a parlé de complot, de pédophilie… et de trois pieds de Jésus…»
«Oh là là! Je ne me souviens pas.»
Sur le banc des prévenus, le quadragénaire n’en croit pas ses oreilles. «Oh là là! Je ne me souviens pas.» Mais ce qu’il sait aujourd’hui, c’est qu’il va mieux. Aujourd’hui, il ne vit plus à la rue. Il dispose d’une chambre qu’il loue 850 euros par mois. Depuis novembre dernier, il a aussi un travail. Et il a même pu s’acheter une voiture pour 1 000 euros : «J’avance. Je demande pardon.»
«Donnez-moi 1 000 heures de travaux d’intérêt général (TIG) ou plus!», finira-t-il par lâcher aux juges sans détour.
– «Cela ne va pas, on est limité au niveau du nombre d’heures.» La durée d’un travail d’intérêt général non rémunéré ne peut en effet pas être supérieure à 240 heures.
Le parquet requiert 15 mois de prison ferme
C’est la peine que demandera son avocat. «Son avenir a l’air mieux que son passé. Après les faits au CHL, il a été interné. Aujourd’hui, il a les deux pieds sur terre. Il a compris sa leçon», ajoutera Me Brian Hellinckx.
La représentante du parquet, elle, toutefois penche pour une peine de prison. Au vu de la multiplicité de faits, elle requiert 15 mois ferme. Un sursis n’est plus possible à cause de son casier judiciaire. En 2019, Joaquim avait échappé à la prison en étant condamné à accomplir 240 heures de TIG. À l’époque, il les avait exécutées à la «Stëmm vun der Strooss».
La 13e chambre correctionnelle rendra son jugement le 21 janvier.
Fabienne Armborst