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Attouchements sexuels : «Ce n’est pas une histoire»


Un des cousins a retiré ses accusations, mais le parquet ne croit pas en ce revirement de dernière minute. (Photo : archives lq/julien garroy)

Une famille se déchire autour de trois cousins, victimes présumées d’attentats à la pudeur de la part de leur oncle. Ce dernier nie et risque entre 5 et 10 ans de prison.

Un oncle est accusé d’avoir commis des attouchements sexuels sur deux de ses nièces et un de ses neveux encore mineurs. Le neveu, Fabrizio, a expliqué lundi à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avoir menti et accusé son oncle à tort. Un revirement de dernière minute qui brouille les pistes. Les faits auraient eu lieu la nuit au domicile des grands-parents qui gardaient les enfants. Le prévenu prétend que les deux sœurs ont inventé les faits pour ne plus avoir à aller chez leurs grands-parents et pour attirer l’attention de leurs parents.

«Luisa a commencé à m’en parler. Cristina a continué», raconte leur maman. «Elles pleuraient. Les filles ne m’avaient jamais rien dit avant. Elles parlaient en luxembourgeois entre elles. Je ne comprends pas le luxembourgeois.» La mère de famille n’a rien vu venir et n’en a plus parlé après. «Je connais toute l’histoire depuis le mois de novembre dernier après la lecture du dossier», précise-t-elle. Luisa s’était confiée à un éducateur de la maison relais qui a mis en route la machine judiciaire en 2015.

Les familles se brouillent et se rabibochent au gré de l’avancement de la procédure. «S’il n’y avait pas eu cet incident à la maison relais, vous n’auriez pas porté plainte?», interroge la présidente de la chambre criminelle. «Je voulais que les enfants oublient. Mon mari était perturbé. Il ne savait plus qui croire», répond la mère de famille. Le tribunal essaye de déterminer les relations entre les différents membres de cette famille déchirée pour comprendre si les deux sœurs n’auraient pas accablé le prévenu par vengeance.

Dans cette famille d’origine italienne, on se pose peu de questions. On occulte, on se parle peu ou on n’a pas le temps de s’intéresser à l’autre. On s’accable. «Je n’y crois pas une seule seconde», lance un des frères du prévenu. «J’ai toujours eu l’impression que la maman des filles ne nous a jamais supportés depuis tout-petits. Son regard…» Un deuxième frère, lui aussi cité par la défense, indique que «ça ne collait pas entre ma belle-sœur et mes parents». Les deux frères sont incapables d’approfondir ou de préciser leurs affirmations.

La grand-mère des deux victimes présumées, qui est aussi la maman du prévenu, nie les faits et contredit les versions de ses petites-filles. La présidente s’impatiente face à la sexagénaire qui, tout à la protection de son fils, se perd dans ses réponses.

«Les victimes n’en rajoutent pas»

Les deux victimes présumées se sont constituées partie civile. Leur avocat a réclamé un peu plus de 76 000 euros pour le préjudice moral des deux sœurs et de leur maman. Il a soulevé le fait que l’attestation testimoniale de Fabrizio avait été rédigée au domicile du prévenu. Christian explique avoir dit à son neveu que «si tu veux vraiment m’aider, c’est le moment» un jour où le jeune homme lui avait rendu visite. «Qu’est-ce que vous lui avez promis? Un tatouage gratuit?», lance la présidente, qui penche pour un coup monté, en faisant référence aux nombreux tatouages qu’arborent les membres de cette famille.

«Je sais que je n’ai rien fait. J’ai des enfants, je ne ferais jamais une chose pareille», jure le trentenaire. Le prévenu dit être victime d’un complot monté par les deux gamines pour obtenir l’attention de leurs parents qui «n’étaient jamais là». Christian ne paraît pas convaincre le tribunal. Au fond de la salle d’audience, la grand-mère des deux victimes présumées pleure alors que la représentante du parquet rappelle les faits.

La magistrate estime que les attentats à la pudeur ont bien eu lieu. Les déclarations des deux victimes présumées «sont constantes» et «elles n’en rajoutent pas». De plus, les récits des sœurs présentent «des détails communs» et elles avaient de bonnes relations avec leurs grands-parents, comme les nombreux témoins l’ont constaté. «Quel intérêt auraient-elles à inventer une chose qui sépare la famille?», demande-t-elle. «Ce n’est pas une histoire. Ces faits se sont réellement passés.»

Même si Fabrizio est revenu sur ses déclarations en ce qui le concerne «sans explications plausibles». À moins d’une pression familiale. «Je doute qu’il en ait décidé lui-même», note la représentante du parquet, qui ne croit pas du tout à ce revirement ni à la théorie du complot avancé par le prévenu et sa défense. Elle établit que Christian a porté atteinte à la pudeur des trois enfants «en pleine connaissance de ses actes». Elle requiert une peine de prison de six ans contre le prévenu parce qu’«il est venu dans leur chambre le soir quand il faisait noir» et «ne montre aucun repentir». Autre circonstance aggravante, son lien familial avec les victimes présumées.

Le procès se poursuit aujourd’hui avec les plaidoiries de la défense.