Poursuivi pour attouchements sur son filleul de 13 ans, le trentenaire conteste l’intention sexuelle. Cela serait arrivé en chahutant. Mais ce n’est pas sa première affaire de ce type…
«Une nouvelle fois, on se retrouve ici parce qu’on reproche des attentats à la pudeur à Monsieur.» Il a 36 ans. Et ce n’est pas la première fois qu’il franchit les portes du tribunal. La représentante du parquet se souvient très bien des déclarations du trentenaire à la barre à l’automne 2017. «C’était exactement la même chose. Il trouve toujours des excuses et des explications pour ses attouchements. Mais elles ne sont absolument pas crédibles. À l’époque, il justifiait son comportement par rapport aux trois garçons par des raisons hygiéniques. Aujourd’hui, il nous raconte avoir malencontreusement touché le pénis de son filleul en chahutant avec lui!»
En 2015, trois mères – son ex-épouse, son ex-compagne et sa demi-sœur – avaient porté plainte contre le trentenaire pour attentats à la pudeur sur leurs fils respectifs, âgés de 10 à 12 ans. Pour l’affaire sur laquelle se penchait la justice, lundi après-midi, c’est un appel anonyme qui avait d’abord alerté le parquet : le 1er septembre 2017, un inconnu au bout du fil déclarait que son voisin était un «pédophile» et accueillait régulièrement des garçons chez lui pour dormir. Le jour même, le SREC Esch avait été dépêché au domicile du trentenaire. Et la section protection de la jeunesse de la police judiciaire avait été saisie de l’enquête. Mais les premières vérifications n’avaient livré aucun indice : ni l’adolescent de 15 ans présent sur le canapé à l’arrivée des agents, ni son frère cadet, qui y dormait aussi régulièrement, n’avait fait une quelconque allusion à un comportement déplacé.
Leur mère également avait déclaré avoir pleine confiance dans le trentenaire qui était le parrain de son plus jeune fils. Cela avait toutefois changé quelques mois plus tard. Début février 2018, c’est elle qui s’était manifestée à la police… Entretemps, le trentenaire avait été condamné pour attentats à la pudeur sur les trois mineurs. Sept ans de prison assortis d’un sursis probatoire. Telle était la peine que la 13e chambre criminelle avait prononcée le 8 novembre 2017 à son encontre.
Des «tendances pédophiles», selon l’expert
La mère s’était inquiétée que quelque chose de similaire ait pu arriver à son plus jeune fils. Constatant un changement de comportement de sa part, elle lui avait demandé si son parrain avait touché ses parties intimes. Il avait répondu par oui. Des affirmations que le garçon, âgé alors de 13 ans, avait confirmées à la police. Il n’y aurait pas eu qu’un fait isolé. Entre fin 2016 et le 28 janvier 2018, cela s’était produit «vingt fois». S’il n’avait rien raconté lors de sa première audition, c’est parce qu’il aurait voulu protéger son parrain. Il ne voulait pas qu’il aille en prison. Du dossier, il ressort que leur relation était très fusionnelle. Il était plus qu’un parrain. Un ami aussi.
Des messages étaient venus étayer le dossier. «Je ne l’ai pas fait exprès. Je m’excuse auprès de toi», avait ainsi écrit le parrain à son filleul le 30 janvier 2018. Par SMS, la mère n’avait pas manqué de confronter le parrain à ce que son fils lui avait rapporté. Il lui avait répondu que c’était en faisant des «bêtises», «rien» n’aurait été «intentionnel». À une connaissance qui lui avait aussi demandé des explications, il avait notamment dit : «J’ai merdé. C’est impardonnable…» et «comme condamné ce n’était pas approprié…»
«Quand on chahute, cela peut arriver», a répété le prévenu, lundi après-midi, face aux juges contestant en bloc les accusations. «Je savais que j’étais condamné, et cela pouvait être mal interprété.» Telle était son explication pour certains de ses messages.
Depuis l’automne 2019 – donc après la confirmation de sa condamnation par la Cour d’appel le 10 juillet 2019 –, il va régulièrement voir un psychiatre. L’expert en neuropsychiatrie qui avait vu le prévenu dans le cadre de la première affaire avait en effet décelé des «tendances pédophiles». Le certificat établi par le psychiatre qu’il consulte soulève toutefois certaines questions sur le suivi en cours et la prise de conscience du prévenu : «Il ne m’a pas donné l’impression d’avoir des pulsions à tendances pédophiles.» «Comment travailler quelque chose avec moi s’il n’y a rien?», a répondu le prévenu à la présidente qui l’y a confronté.
«Il faut qu’il y ait encore combien de victimes?»
C’est bien là le «grand problème, selon la parquetière. Le prévenu ne reconnaît pas qu’il a un problème.» Elle insistera : «Combien de fois faudra-t-il que vous reveniez ici? Il faut qu’il y ait encore combien de victimes? Quand est-ce que vous vous laisserez aider?»
L’avocat de la défense avait plaidé l’acquittement pour cause de doute. À titre subsidiaire, Me Pascal Schott avait demandé une peine assortie d’un sursis : «Les faits reprochés ont eu lieu avant l’arrêt de la Cour d’appel.» La représentante du parquet réclamera au final trois ans de prison et une amende appropriée. Elle soulève la «zéro prise de conscience» et «l’absence de repentir» du prévenu. De plus, le fait qu’il avait autorité sur son filleul au moment des faits devrait être retenu comme une circonstance aggravante. Me Sabbatini, avocat de la partie civile et représentant le mineur dans ce procès, a demandé 3 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
La 9e chambre correctionnelle rendra son jugement le 22 décembre.
Fabienne Armborst