Dix-huit ans après les faits, un ancien militaire allemand a nié jeudi à l’ouverture de son procès être l’auteur d’un attentat « raciste » à Düsseldorf qui avait fait dix blessés, dont six juifs, choquant l’Allemagne.
Vêtu d’un sweat-shirt gris, Ralf Spies a fait son entrée dans la salle du tribunal de Düsseldorf (ouest) le visage dissimulé derrière un classeur. Puis, l’homme de 51 ans a soutenu d’emblée n’être pour rien dans l’attaque, répétant ne pas connaître l’identité de l’auteur.
Au moment de l’attentat, le 27 juillet 2000, cette figure de la scène néonazie de Düsseldorf était dans un salon de tatouage, avant de partir promener son chien puis de rentrer chez lui, a-t-il expliqué.
Ralf Spies comparaît jusqu’en juillet pour 12 tentatives de meurtres et encourt la prison à vie.
Le parquet le soupçonne d’avoir fabriqué, posé et déclenché à distance une bombe le 27 juillet 2000, près d’une gare en banlieue de Düsseldorf.
« L’accusé est soupçonné d’avoir utilisé la vulnérabilité des victimes et d’avoir agi pour des motifs racistes », a indiqué à la presse en marge de l’audience le procureur Ralf Herrenbrück.
La bombe avait explosé au moment où passait un groupe d’une douzaine de personnes originaires de pays d’ex-URSS qui sortaient de leur cours d’allemand.
Dix personnes avaient été blessées, certaines très grièvement. Six étaient de confession juive. L’une des victimes, une Ukrainienne enceinte de cinq mois, a perdu son bébé dans l’attentat. Son mari a lui failli mourir.
Débat sur les violences racistes
L’école de langue, avec laquelle l’accusé avait eu plusieurs différends, était située non loin d’un magasin de surplus militaire alors tenu par Ralf Spies.
Entendu peu après l’attentat, le suspect avait cependant été relâché, faute de preuves. L’enquête s’était ensuite enlisée pendant de longues années, malgré près de mille interrogatoires.
Le mobile raciste n’avait pas non plus pu être immédiatement démontré.
Néanmoins, l’attaque avait ébranlé l’Allemagne, déclenchant 55 ans après la chute du IIIe Reich un vif débat sur la violence d’extrême-droite à laquelle le pays est régulièrement confronté.
Ce fut encore le cas en 2015 lorsque l’arrivée de centaines de milliers de demandeurs d’asile avait conduit à une explosion des attaques visant des foyers de réfugiés.
Et la découverte en 2011 qu’une dizaine de meurtres remontant aux années 2000 étaient des crimes racistes, commis par trois militants néo-nazis du groupuscule « Clandestinité nationale-socialiste » (NSU), a également bouleversé le pays et mis en évidence les défaillances de la police et du renseignement intérieur, incapables de neutraliser un trio qui a agi en toute impunité pendant des années.
« Rageant »
C’est cette affaire qui a d’ailleurs relancé l’enquête sur l’attentat de Düsseldorf, les enquêteurs ayant voulu savoir si un lien existait.
Finalement si Ralf Spies a été interpellé en février 2017, c’est parce que la police a pu notamment obtenir le témoignage d’un codétenu en 2014 à qui il aurait confié lors d’une brève incarcération avoir « fait sauter des ‘basanés’ dans une gare », des aveux contesté par la défense.
« C’est évidemment gênant et rageant (…) que ça ait pris si longtemps pour arrêter l’auteur présumé », s’est agacé le président de la Communauté juive de Düsseldorf, Michael Szentei-Heise, dans l’édition en ligne du journal régional Rheinische Post.
L’ex-petite amie de l’accusé a révélé aux enquêteurs avoir vu à l’époque une bombe posée sur la table de la cuisine.
L’accusation soutient que Ralf Spies avait appris à fabriquer des bombes à l’armée, et qu’il a donc pu réaliser l’engin en question, déclenché à distance. Selon la police, il est aussi tatoué d’une croix gammée et d’une forteresse nazie.
Cette affaire fait écho à celui de Franco Albrecht, militaire allemand suspecté depuis l’an passé d’avoir fomenté un rocambolesque projet d’attentat en se faisant passer pour un réfugié syrien.
L’affaire avait éclaboussé l’armée, accusée de ne pas suffisamment lutter contre les idées d’extrême droite en son sein.
Le Quotidien/ AFP