La province de Luxembourg et la Ville d’Arlon sont sous le choc après la confirmation du meurtre de Béatrice, 14 ans.
Les médias sont de retour devant le palais de justice d’Arlon. (Photo : RL/Samuel Moreau)
Les circonstances et les acteurs du dossier rouvrent la plaie toujours pas cicatrisée de l’affaire Dutroux.
Ce n’est qu’un détail. Mais il est symptomatique des vieux démons arlonais qui remontent à la surface depuis hier matin. Face à l’afflux de journalistes au tribunal, c’est dans la salle de la cour d’assises que s’est tenue la conférence de presse confirmant le meurtre de Béatrice Berlaimont, 14 ans. « Là même où Marc Dutroux a été condamné à perpétuité en 2004. J’en ai encore la chair de poule », témoigne une journaliste belge de la RTBF qui prépare sous la neige son direct pour le 13h. En toile de fond : les parois vitrées d’un palais de justice trop sinistrement connu en Belgique.
À Arlon plus qu’ailleurs, le meurtre d’une adolescente de 14 ans résonne différemment. À chaque coin de rue et dans chaque friterie autour de la Grand-Place, où s’installe sans enthousiasme le marché de Noël, le nom du pédophile revient sur toutes les lèvres. C’est là qu’il a été jugé durant trois mois. À soixante kilomètres de Bertrix, village où il a enlevé sa dernière victime, âgée aussi de 14 ans. Celle qui a précipité sa chute. Séquestrée, Laëtitia Delhez avait été retrouvée vivante six jours après son enlèvement. Béatrice, retrouvée onze jours après sa disparition, n’a pas eu la même chance…
> « On veut comprendre »
Impossible enfin de ne pas faire le parallèle en voyant les figures judiciaires appelées à travailler sur la nouvelle enquête criminelle. Avant d’entrer dans la magistrature en 2010, Sarah Pollet, substitut du procureur du Grand-Duc du Luxembourg, qui a mené d’une main de fer en quinze minutes chrono la conférence de presse d’hier matin, fut justement jusqu’à l’issue du procès Dutroux l’une des avocates de Michelle Martin. En 2005, elle fut également l’avocate de Monique Olivier, l’épouse de Michel Fourniret, condamné à Charleville-Mezières pour les meurtres de six adolescentes. Quant au juge d’instruction en charge du meurtre de Béatrice, il s’agit de Jacques Langlois. Un nom à jamais lié à l’affaire Dutroux, qu’il a conduite jusqu’aux assises. Une affaire dont les plaies sont toujours béantes en Belgique. En témoignent les réactions houleuses suite à la libération de son ex-épouse Michelle Martin en juillet 2012. Elle vit depuis cloîtrée au couvent des Clarisses à Malonne, dans la province de Namur.
Autant d’éléments qui poussent forcément à la comparaison. « On ne peut pas exclure le retour d’un nouveau prédateur », témoignent beaucoup d’hommes de la rue. Et ce, d’autant plus que le meurtre ravive les cinq tentatives d’enlèvement sur des enfants de 8 à 12 ans recensées au Grand-Duché voisin et dans la province en tout début d’année.
Le parallèle agace Vincent Magnus, le bourgmestre, soucieux de préserver l’image de sa ville : « Il n’est pas décent de rouvrir ces plaies. Je suis persuadé que nous ne sommes pas confrontés à une affaire Dutroux bis. Il a fallu des années pour trouver ses victimes. Là, onze jours ont suffi. Ce n’est pas comparable », assène l’élu avant de livrer son ressenti : « Lundi, quand nous avons appris la mort de Béatrice, la tristesse prévalait. Hier, s’y est ajoutée la colère. On veut comprendre, savoir qui a pu commettre une telle horreur. Arlon est une ville paisible et je n’y ressens pour l’instant aucune psychose. Mais il ne faudrait pas que l’enquête dure des mois et des mois ».
Philippe Marque (Le Républicain Lorrain)