Trois personnes ont été condamnées en 2017 pour des cambriolages et un home-jacking. Le commanditaire et un complice présumés manquaient à l’appel. Ils ont été jugés lundi.
Un procès sous haute sécurité a débuté hier face à la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg : celui d’Alex dit «le Gitan», figure du grand banditisme en Belgique, et de Logan, condamné pour le meurtre à la roulette russe d’un jeune homme de 17 ans en Belgique (lire ci-dessous). Les deux hommes sont suspectés d’avoir commandité et participé à une série de cambriolages qui s’est soldée par un home-jacking particulièrement violent à Eischen le 13 septembre 2014.
Les deux prévenus auraient dû être jugés en novembre 2017 avec leurs complices présumés, mais les autorités belges avaient refusé de les extrader pour des raisons de sécurité. «Alex le Gitan» est considéré comme étant très dangereux. Leurs trois complices ont été jugés en leur absence. Jason, Laëtitia et Ceca avaient été condamnés respectivement à des peines de 6 ans, 8 ans dont 2 avec sursis et 10 ans de prison. Des peines de 15 à 17 ans de prison avaient été requises par le parquet.
Lors d’un cambriolage en mai 2014, Laëtitia, la maîtresse d’Alex, et Ceca, l’épouse d’Alex au moment des faits, ont repéré un coffre-fort dans une maison à Eischen, mais ne parviennent pas à l’ouvrir sans la clé. Elles en parlent à Alex qui décide de retourner sur les lieux avec une équipe, selon l’enquêteur du service de répression du grand banditisme de la police judiciaire. L’enquête révèle qu’ils ont procédé à des repérages quelques jours avant les faits. Lors du premier procès en 2017, on apprendra que Logan est recruté par Jason, un ami d’enfance, et qu’Alex a dirigé l’opération à distance. Les victimes étant à leur domicile, Laëtitia veut avorter l’opération. Alex insiste. L’équipe, cagoulée et armée, s’exécute.
«Il sont entrés par la porte arrière de la maison qui était ouverte. Ils nous ont battus avec les pieds et les poings», se souvient Sylvie, une des trois victimes. «Ils voulaient la clé du coffre. Ils pointaient un revolver sur nous.» La sexagénaire décrit des scènes d’une grande brutalité commises par Laëtitia, Jason et Logan. «Quand ils ont eu la clé, ils nous ont enfermés à la cave mon mari, ma maman et moi», poursuit-elle, la voix tremblante de nervosité. «Mon mari a juste encore réussi à briser la porte d’entrée avant de s’écrouler.»
Au début, Johnny n’avait pas pris les trois agresseurs au sérieux, témoigne-t-il huit ans après les faits. «Ils voulaient me faire peur, mais ils ne m’ont pas fait peur», lance le témoin, de son propre aveu, difficilement impressionnable. Il pensait que l’arme qu’ils pointaient sur lui était factice, mais les coups reçus lui feront vite comprendre que les trois complices ne plaisantent pas.
«La bête noire de ce dossier»
Des complices que le septuagénaire a bien eu le temps d’observer et hier à la barre, il est formel : il ne reconnaît pas Logan, blond aux yeux bleus, assis sur le banc des prévenus. «Il avait les sourcils noirs derrière sa cagoule. Celui-ci ne me dit rien.» Alex, lui, est noir de cheveux. À l’époque des faits, il portait un bracelet électronique. «Il avait les jambes arquées», se souvient également le témoin. Logan se lève pour que l’assistance puisse examiner ses jambes. Ces «réminiscences» tardives arrangent Logan, assis tout transpirant sur le banc des prévenus.
Le jeune homme de 27 ans qui purge actuellement une peine de 20 ans de réclusion en Belgique, prétend être innocent et ne pas avoir commis de cambriolage au Luxembourg. «Je suis ici sur spéculation de personnes qui ne sont pas ici», indique-t-il en pensant à Laëtitia et Jason. «Au moment des faits, je travaillais ou j’étais chez moi avec mon épouse. À part pour un interrogatoire de police, c’est la première fois que je mets les pieds au Luxembourg.» Logan dit connaître Laëtitia et Jason de la cité dans laquelle ils habitaient enfants. Alex, il ne le connaît pas.
Et réciproquement. Alex se sent «la bête noire de ce dossier». Ses trois complices présumés se seraient «déchargés sur lui» parce qu’il a «les épaules larges» et une certaine réputation en Belgique. À la barre, il explique que Ceca et Jason partaient faire des courses et revenaient avec des bijoux qu’il rachetait. «Je savais qu’ils provenaient de vols, mais je ne savais pas qu’il s’agissait de vols avec violence», se justifie-t-il. «Je les ai rachetés parce que je devais de l’argent à Jason.»
Ceca faisait beaucoup de shopping, selon lui, et à deux reprises, il l’avait suivi, reconnaît-il. A Goeblange et à Capellen. «Des fois, je pétais un plomb, Madame», avoue-t-il à la présidente de la 9e chambre criminelle, «J’ai arrêté les vols et les braquages. Je me suis remis en question. J’ai changé d’activité. J’étais commerçant, je revendais.»
Dans cette affaire, il semble que les absents aient toujours tort. Suite des débats cet après-midi avec le réquisitoire du parquet et les plaidoiries des avocats de la défense.
Des prévenus bien connus en Belgique
Logan a été condamné à 20 ans de prison ferme par la cour d’assises du Hainaut en Belgique qui l’a reconnu coupable du meurtre de Jason Denies (17 ans) à Goutroux le 24 mars 2013. Le jeune homme avait joué à la roulette russe avec sa victime. Il a dit avoir placé une munition dans le barillet de son calibre 38 avant de l’avoir fait tourner et d’avoir placé l’arme sur la tempe de la victime. Le quatrième essai a été fatal. À 18 ans, il dirigeait une des bandes de délinquants juvéniles les plus violentes de Belgique, selon les médias belges.
Alex, dit «le Gitan», est connu dans le milieu du grand banditisme. Sa première peine majeure est celle de 20 ans de réclusion infligée par la cour d’assises du Hainaut pour des faits de tiger-kidnappings en juin et octobre 2005. En 2015, le tribunal correctionnel de Charleroi l’a condamné à 40 mois de prison pour un guet-apens violent infligé à son ex-copine. En mars 2012, il s’échappait avec l’aide de son frère de l’hôpital de Haute-Senne en Belgique. Trois ans plus tard, il se refait une nouvelle fois la malle, profitant d’une mesure de resocialisation en perspective d’une remise en liberté. Il avait brisé son bracelet électronique.