Le parquet a requis jeudi cinq ans de prison ferme et une amende contre Alessandro S., poursuivi pour avoir raflé l’héritage de 500 000 euros d’une mère en état de faiblesse.
Des déclarations faites dans le cadre du procès du fratricide d’Esch avaient alerté le parquet. Alessandro S. y avait lâché que la mère de la victime lui avait offert la coquette somme de 180 000 euros pour acheter un appartement. L’enquête diligentée avait permis de retracer d’autres flux financiers faramineux.
«Sans le moindre scrupule, il a exploité la détresse de Madame. Il ne fait preuve d’aucun repentir. Il se borne à contester l’incontestable.» Dans son réquisitoire, jeudi après-midi, le représentant du parquet a qualifié la méthode employée par Alessandro S. pour parvenir à capter tout l’héritage de «particulièrement perfide». On parle de 500 000 euros au total. «Cette somme qui n’a porté bonheur à personne», comme l’a qualifiée le parquetier.
Placée sous curatelle et souffrant d’un trouble bipolaire
C’est en effet la somme qui avait également eu son importance dans l’affaire du fratricide perpétré en décembre 2014, à Esch-sur-Alzette. C’est l’insatiable soif pour cet argent qui avait visiblement conduit Éric L. à empoisonner son frère avant de mettre le feu à son appartement.
Et si l’on suit l’enquête, c’est Alessandro S. qui a pris la relève quand Éric L. s’est retrouvé en détention préventive. «Depuis son arrestation, Alessandro S. est venu me rendre visite une fois par semaine. Ensuite, il est venu habiter dans mon appartement…», avait ainsi déclaré la mère. Début 2017, la quinquagénaire, placée sous curatelle et souffrant d’un trouble bipolaire, avait déposé plainte. Elle se sentait grugée par l’homme qui accompagnait son fils sur le banc des prévenus.
L’appart, les voitures et la prétendue maison
Les déclarations faites dans le cadre du procès du fratricide avaient aussi éveillé les soupçons du parquet. Alessandro S., alors poursuivi pour «recel de malfaiteur» (entretemps condamné), avait en effet lâché à la barre que la mère lui avait offert gracieusement la somme de 180 000 euros pour l’achat d’un appartement… L’enquête diligentée avait permis de retracer des flux financiers faramineux. Il n’y avait pas eu que l’appartement. Il y avait également eu l’histoire des voitures, l’achat d’une prétendue maison à Goebelsmühle… La police avait saisi toute une série de documents dans l’appartement d’Alessandro S.
Lors de l’ouverture du procès devant le tribunal correctionnel, la semaine passée, le prévenu, âgé aujourd’hui de 37 ans, avait contesté haut et fort avoir abusé de la faiblesse de la quinquagénaire. «Il n’était pas au courant qu’elle souffrait d’un quelconque trouble bipolaire ou d’une dépendance à l’alcool», a renchéri, jeudi, Me Roby Schons, plaidant l’acquittement. Selon l’avocat, la quinquagénaire était une femme complètement lucide. C’est elle qui aurait fait la proposition d’offrir un appartement à celui qu’elle considérait désormais comme son fils adoptif, son fils aîné étant au cimetière et le cadet en prison…
«Dans un état de particulière vulnérabilité»
Or, pour le parquet, les conclusions de l’expertise psychiatrique sont claires : «Au moment des faits, Madame se trouvait dans un état de particulière vulnérabilité. Elle ne pouvait échapper à Alessandro S.» Dans sa plaidoirie, Me Schons n’avait pas non plus manqué de critiquer l’absence du témoin principal lors du procès.
Il avait parlé d’«une femme qui sait « manier le feu et l’eau » et qui aurait quitté délibérément le Grand-Duché pour se réfugier en Italie». «Elle a quitté le Luxembourg car elle a tout perdu : ses fils et l’argent», a répliqué le parquetier. Et d’insister : «Les sommes empochées par Alessandro S. constituaient l’intégralité de son patrimoine. À l’arrivée de la police, elle se trouvait avec un verre de rosé dans sa chambre d’hôtel. Il avait tout, elle n’avait plus rien.»
Outre l’abus de faiblesse, le parquet reproche au trentenaire d’avoir falsifié sa signature sur une procuration afin de vendre une voiture et empocher 10 000 euros supplémentaires… Au final, le parquet a requis cinq ans de prison et une amende appropriée contre le prévenu, qui se trouve depuis près de deux ans à Schrassig. «Au vu de son attitude, il ne mérite aucun sursis.» Enfin, il demande la confiscation de l’appartement et de quelques autres sommes.
La quinquagénaire, quant à elle, s’est constituée partie civile. Elle réclame via son avocat 530 000 euros de dommages et intérêts.
Prononcé le 7 mars.
Fabienne Armborst