Chaque année, une centaine d’auteurs d’abus sexuels sur mineurs sont traduits en justice. Plus vite ces actes sont signalés, plus vite les victimes peuvent être sauvées.
Et si ce que nous pensons ne pas être notre affaire nous regardait, finalement? Et si nous ne nous arrêtions pas aux conséquences pour notre personne, mais plutôt aux conséquences que le fait de nous mêler de ce qui ne nous regarde pas pourrait avoir sur une victime d’abus? Et si nous prenions notre courage à deux mains et dénoncions des abus là où nous pensons qu’il peut y en avoir?
Signaler des abus physiques, psychiques ou sexuels à la justice permet de les faire cesser et d’éviter que des vies ne soient gâchées. C’est le message que les parquets de Luxembourg et de Diekirch ainsi que le service de protection de la jeunesse et infractions à caractère sexuel de la police grand-ducale ont souhaité faire passer hier après-midi lors d’une conférence de presse en ce qui concerne les abus sexuels sur les mineurs.
Les signalements augmentent. Les tabous tombent doucement. Les affaires judiciaires se multiplient. Mais l’omerta ne se brise pas assez vite au goût des représentants de la justice actifs dans le domaine des abus sexuels sur mineurs. Qu’il soit question de viols ou d’attentats à la pudeur, la loi est du côté des victimes et magistrats et policiers sont formés en continu pour déceler la vérité et prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les petites victimes et punir les auteurs de tels actes.
Ne manque, dans la plupart des cas, que la parole. Ces actes se déroulant dans la grande majorité des cas dans le cercle familial – aucun milieu n’est épargné – ou étant commis par des adultes ayant une autorité sur l’enfant, la petite victime reste muette, expliquent David Lentz, procureur d’État adjoint, responsable de la section protection de la jeunesse et affaires familiales auprès du parquet de Luxembourg, et Jean Winter, commissaire en chef, responsable du service de protection de la jeunesse et infractions à caractère sexuel de la police judiciaire. D’où l’importance des signalements.
Tous les signalements n’aboutissent pas à des affaires pénales, mais mieux vaut signaler que de fermer les yeux et laisser les auteurs de tels abus dans un sentiment d’impunité. Et, pourquoi pas, «leur permettre de faire de nouvelles victimes». Bref, selon David Lentz, se taire équivaudrait en quelque sorte à «se rendre complice de l’agresseur».
Un signalement n’est pas une plainte, mais il permet à la police d’enquêter, d’aider et d’assister les victimes. «Il est important de ne pas attendre 30 ou 40 ans pour dénoncer les faits, explique le magistrat. Sinon, les preuves disparaissent» avec les auteurs présumés.
C’est notamment le cas pour les preuves ADN, déterminantes pour ce genre d’affaires. Mais également pour les souvenirs que la victime présumée garde des faits et de son agresseur. Actuellement, le délai de prescription est de dix ans après la majorité des victimes. Une réforme en cours va le rallonger.
Qui ne dit mot consent
Les victimes présumées sont auditionnées par des enquêteurs formés à ces types d’interrogatoires spécifiques où chaque mot a son importance. Contrairement aux auditions d’adultes, ces auditions sont filmées pour éviter aux enfants le traumatisme de devoir répéter encore et encore ce qu’ils ont vécu aux différents stades de l’enquête et ensuite face à la justice.
Le témoignage peut être visionné à tout moment par les enquêteurs, les magistrats et les avocats. Si, toutefois, la victime mineure venait à être appelée lors d’un procès public, son témoignage a lieu à huis clos.
Les intervenants sont conscients de la responsabilité qu’implique un tel signalement, surtout qu’ils ne sont pas anonymisés, mais pour Simone Flammang, premier avocat général auprès du parquet général traitant de ce type d’affaires en appel, se taire équivaut à «de la non-assistance à personne en danger». Et permettre qu’un auteur soit puni, c’est le sortir de la circulation, éventuellement lui permettre d’être soigné ainsi que décourager d’autres auteurs potentiels de céder à leurs pulsions et de passer à l’acte à leur tour.
Un formulaire de signalement est disponible sur le site internet justice.lu, de même qu’une vidéo expliquant ce qu’est un abus sexuel et les différents stades de l’enquête jusqu’à – si l’affaire n’est pas classée sans suite – la citation des auteurs d’abus devant la justice.
Les signalements peuvent également être faits directement auprès des parquets ou des tribunaux de la jeunesse de Luxembourg et de Diekirch ainsi qu’auprès du service de protection de la jeunesse de la police. Qui ne dit mot consent et justice et police sont prêtes à intervenir au moindre doute.