Poursuivi pour avoir profité de l’état de faiblesse d’une octogénaire, Dan Da Mota comparaissait mardi après-midi à la barre du tribunal correctionnel. La somme en jeu : 167 500 euros. Le parquet ne s’oppose pas à ce qu’une partie de la peine soit assortie d’un sursis probatoire à condition qu’il rembourse l’argent.
Simples dons ou abus de faiblesse? C’est la question qui se trouvait mardi après-midi au cœur du procès devant la 16e chambre correctionnelle. Sur le banc des prévenus : Dan Da Mota (35 ans). Le footballeur du RFCU, qui a l’habitude de fouler les pelouses des stades, se retrouve sur le terrain judiciaire pour une affaire d’abus de faiblesse. L’affaire, pour laquelle il a passé deux semaines en détention préventive début 2019, avait éclaté au cours de l’année 2018 à la suite d’une dénonciation à la cellule de renseignement financier (CRF).
Début mai 2018, une lettre déposée sans enveloppe dans la boîte aux lettres de la BCEE à Dudelange avait mis la puce à l’oreille des employés. Le document signé par une cliente de 88 ans demandait de virer tout son argent ainsi que ses titres d’une valeur de 290 000 euros sur le compte de Dan Da Mota. Connaissant bien l’octogénaire, les employés de l’agence n’avaient pas compris pourquoi elle voulait clôturer d’un seul coup tous ses comptes. Ils lui avaient rendu visite. Visite lors de laquelle elle avait indiqué ne jamais avoir voulu tout donner.
«Les parties de poker, c’est ça votre problème»
Une analyse plus poussée avait permis de découvrir d’autres importants mouvements de compte. Entre janvier 2016 et mai 2018, beaucoup d’argent s’est échappé. Ce sont au total quatre virements (68 000 euros, 20 000 euros, 50 000 euros et 12 500 euros) qui ont atterri sur les comptes en banque du footballeur. Tout comme pour le courrier, c’est lui qui avait confectionné les ordres de virement préremplis. Durant cette même période, 143 retraits (soit plus de 106 000 euros) ont eu lieu avec la carte bancaire de l’octogénaire. Au moins 13 de ces retraits (17 000 euros) ont pu être attribués au trentenaire, récapitulait hier l’enquêteur de la police judiciaire.
Dans le cadre de l’enquête, un médecin spécialiste en gériatrie avait été mandaté. Le résultat de l’expertise: l’octogénaire était démente. Ce qui explique que Dan Da Mota se retrouve dans le viseur de la justice pour abus de faiblesse. Mais depuis le début, le trentenaire conteste ces accusations. L’octogénaire lui aurait donné ces sommes pour son aide. «Et avec tout cet argent, j’ai réglé des dettes», a-t-il répété mardi face aux juges. Problème : cette histoire de dettes ne colle pas avec le dossier. En épluchant ses finances, les enquêteurs ont en revanche pu retracer des dépenses faramineuses pour des parties de poker. «Vous avez utilisé cet argent pour jouer. En quelques mois, vous avez dépensé plus de 100 000 euros sur internet», résumera le président. «C’est ça votre problème.» Il est vrai que le footballeur avait 48 000 euros de dettes d’impôts auprès de l’administration des Contributions directes à l’époque. Mais ces dernières, il ne les a jamais payées. «L’administration a dû faire une saisie auprès de la FLF pour obtenir l’argent», lui a remémoré le président en début d’audience. Le tribunal avait invité le prévenu à revoir sa position, mais jusqu’au bout Dan Da Mota n’en démordra pas : «Je ne lui ai pas pris les sous pour jouer au poker.» À la question de savoir pourquoi il n’avait plus rendu visite à l’octogénaire après août 2018, c’est-à-dire l’époque où les comptes ont été bloqués, il dira : «Je n’avais plus le temps.»
Aux enquêteurs, l’octogénaire avait expliqué que c’est Dan Da Mota qui était un jour venu vers elle pour lui proposer de l’aider à régler sa paperasse. Autre élément qui dérange : le prévenu dit avoir considéré l’octogénaire comme sa «mamie de remplacement», mais à part un ami, personne n’était au courant.
La défense plaide l’acquittement
«Pour qu’il y ait abus de faiblesse, il ne faut pas seulement prouver que Madame était vulnérable, cette vulnérabilité doit aussi être bien connue par l’auteur», a soulevé Me Pim Knaff, qui a plaidé l’acquittement. Selon l’avocat du prévenu, «l’acte gravement préjudiciable» fait également défaut. Car la fortune restante de l’octogénaire s’élevait toujours à 500 000 euros.
Mais pour le parquet, le prévenu a clairement abusé de l’état de faiblesse de l’octogénaire. «Il touche plus de 150 000 euros en deux ans d’amitié et il trouve cela normal? Jamais il n’y a aucun remboursement.» Le substitut principal Laurent Seck en est convaincu : «Il cherchait une tirelire pour compenser son addiction au jeu. C’est ainsi qu’il est devenu ami avec la vieille dame.» Lorsqu’elle a été hospitalisée pour une crise cardiaque, il se serait dépêché de rédiger la fameuse lettre. «C’est quand il constate que sa tirelire risque de disparaître…»
Le parquet requerra au final trois ans de prison et une amende, mais il ne s’oppose pas à un sursis partiel probatoire avec l’obligation de rembourser l’argent. Par la voie d’un avocat, la désormais nonagénaire s’est constituée partie civile. Elle réclame le remboursement des 167 500 euros ainsi que l’euro symbolique au titre du préjudice moral.
Prononcé le 29 octobre.
Fabienne Armborst