La perte du sous-marin militaire San Juan, avec 44 membres d’équipage à bord, a déclenché en Argentine une polémique sur la gestion de l’affaire, des tensions entre la Marine, le gouvernement et les familles des marins.
La Marine argentine, mal-aimée en Argentine pour son rôle durant la dictature, est prise dans une tempête de critiques, dix jours après la disparition du submersible, probablement due à une explosion pour l’instant inexpliquée.
Dans l’affaire du San Juan, estime le sociologue Ricardo Rouvier, « il y a une dimension politique, historique et technologique ».
Comme les autres forces armées, souligne-t-il, la réputation de la Marine a été durement entamée « pour sa responsabilité (dans la répression) pendant la dictature de 1976 à 1983, le fiasco de la Guerre des Malouines, les procès qui ont placé les militaires sur le banc des accusés, l’armée a été relégué au second rang dans les institutions argentines, et en terme de budget ».
Plus de 700 militaires et policiers ont été condamnés à des peines de prison pour leur participation aux crimes, tortures, enlèvements commis durant la dictature.
Armée en crise
D’après la presse argentine, le gouvernement ne va pas tarder à opérer une purge dans les hautes sphères de la Marine.
Le président argentin Mauricio Macri, dans sa première intervention au 9e jour de crise, a déclaré qu’il ne fallait pas chercher de coupables tant que le sous-marin n’avait pas été retrouvé et qu’une enquête « sérieuse et en profondeur » n’avait pas abouti.
Il faut déterminer, a ajouté Mauricio Macri, « comment un sous-marin qui (…) était en parfaite condition pour naviguer a été visiblement victime d’une explosion ».
La juge Marta Yáñez a ouvert une enquête avec comme « objectif de déterminer les causes de l’explosion ».
Pour Ricardo Rouvier, « le phénomène de la disparition du sous-marin est une tragédie qui englobe la question du rôle des forces armées » en Argentine, jadis au centre de la politique, aujourd’hui en marge du pouvoir.
Selon lui, il pose aussi la question d’une éventuelle « négligence, oubli ou désintérêt du pouvoir politique concernant les investissements dans l’armée ».
Des familles de sous-mariniers ont dénoncé que les opérations de recherche ont tardé à se mettre en oeuvre et estiment ne pas avoir été bien informées.
« Je me sens trompée. Pourquoi nous informent-ils seulement! Ce sont des pervers, ils nous manipulent », a déclaré, furieuse, Itati Leguizamon, avocate et épouse de Germán Suárez, en charge du sonar du San Juan, quelques minutes après avoir eu connaissance de l’explosion.
Cette information a été communiquée huit jours après la disparition du submersible.
L’annonce d’une avarie dans le système des batteries, qui alimentent les moteurs du San Juan, a seulement pour sa part été officialisée cinq jours après la disparition du sous-marin.
D’après la presse argentine, le ministre argentin de la Défense aurait très mal pris d’apprendre dans la presse la disparition du sous-marin.
La perte du San Juan est une lourde perte pour la pour la capacité opérationnelle de la Marine argentine. L’Argentine avait investi entre 2008 et 2014 20 millions de dollars dans la modernisation du submersible et il constituait le joyau de l’armée argentine, dont les équipements sont généralement obsolètes, faute de financements.
Le Quotidien/ AFP