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88 cambriolages : « J’ai compris quand ils ont mis le coffre-fort dans ma voiture »


Ils étaient plusieurs à avoir conduit José R. sur les lieux des cambriolages. Aucun n'admet avoir été au courant de ses projets à l'époque. (Photo : F. A.)

Ils devaient être six sur le banc des prévenus. Mais ils ne sont que cinq à se présenter au procès qui s’est ouvert mardi. Le grand absent : le «maître serrurier», celui qui a laissé presque partout ses traces ADN. En son absence, les coprévenus ont tenté vendredi de sauver leur peau.

«Dommage qu’on ne puisse pas voir José R., celui qui déclare ne savoir ni lire ni écrire. Il semble avoir un don pour convaincre les gens. Tout le monde prétend lui avoir dit non. Mais tout le monde tombe dans son baratin.»  La phrase a retenti plus d’une fois au cours des deux derniers jours. Au fur et à mesure que les prévenus, âgés de 27 à 62 ans, ont défilé à la barre de la 13e chambre criminelle, leur discours n’a guère changé. Personne ne veut avoir fait partie de cette série de 88 cambriolages au Grand-Duché entre 2014 et fin 2017, lors de laquelle 169 872 euros avaient disparu, selon les enquêteurs. Presque tous déclarent ne pas avoir été au courant des projets de José R. (55 ans) dont les traces ADN avaient permis de le relier à la majorité des faits. Tous l’auraient rencontré un peu par hasard et se seraient laissé influencer par lui.

«Je suis une personne de bon coeur»

«Je suis une personne de bon cœur. Je ne sais pas dire non», s’est ainsi défendu son voisin António P. (62 ans). En le conduisant l’une ou l’autre fois en voiture «quelque part», il aurait juste voulu lui rendre service. Début 2016, ils avaient fait connaissance. José R. aurait toujours été prêt à l’aider. Il l’accompagnait chez le médecin, chez l’assistante sociale… pour assurer la traduction en portugais. Bref, leur amitié aurait grandi et il l’aurait «conduit trois à quatre fois». Mais ce n’est que la dernière fois qu’il aurait compris de quoi il s’agissait. «Je croyais toujours qu’il allait chez les femmes…» Et ce malgré le fait qu’il était des fois accompagné d’un autre jeune homme, Fitim B., également prévenu dans cette affaire. 

Ce dernier n’aura pas beaucoup ouvert la bouche. Fort amoindri depuis son malaise sur le fauteuil du dentiste l’été dernier, il ne se souvient de rien. «Sa priorité aujourd’hui, c’est sa santé», a indiqué Me Philippe Stroesser, précisant qu’il reconnaît sa participation à 19 faits. Son frère Naim B., poursuivi, lui, pour 25 faits, a tout tenté face aux juges : «Je n’ai rien à voir dans tout cela. Je l’ai juste conduit trois à quatre fois.» «Si vous êtes chauffeur, vous êtes coauteur du cambriolage», l’a rapidement recadré la présidente. Il campera sur sa sur sa position : «J’ai compris quand ils ont mis le coffre-fort dans ma voiture. J’ai paniqué. J’ai stressé.»  

« Avec un coffre-fort de 250kg dans le coffre on peut être stressé »

«C’est vrai qu’avec un coffre-fort de 250 kg dans son coffre, on peut être stressé!», acquiescera la présidente. Mais c’est quasi le seul point de son histoire que les juges ont cru. La provenance des 3 000 euros qu’il avait envoyés au Kosovo reste un mystère. Le prévenu qui aura finalement reconnu de sa propre bouche le plus de faits à la barre est le propriétaire de l’Opel Zafira avec les plaques françaises saisie après le cambriolage de la buvette de foot à Christnach mi-septembre 2016. Il est en aveu pour sept faits! Si José R. l’a accusé pour bien plus de faits, il dispose d’un alibi infaillible pour un certain nombre : il a passé plusieurs mois en prison à Lausanne, au Kosovo et en Croatie. Ces séjours ne couvrent néanmoins pas toute la période. Les avertissements taxés dont a fait l’objet son véhicule n’avaient pas échappé à la chambre criminelle. «C’est possible que je sois rentré à Lyon en train et que j’aie laissé ma voiture sur un parking à Luxembourg. José R. aurait dû le payer. Mais au retour, j’ai trouvé les avertissements taxés…», expliquera-t-il. 

Une réservation d’hôtel compromettante

Il n’y a pas que les juges qui ont regretté l’absence de José R. – pour l’ouverture du procès, il a fait parvenir un certificat médical attestant qu’il souffre d’un état de stress post-traumatique. Le sixième prévenu, Ivo G., poursuivi pour le seul cambriolage d’un hôtel place de la Gare à Luxembourg en 2014, s’est exclamé vendredi : «J’aurais bien aimé comprendre pourquoi José R. me met dans le bain.» Le fait qu’il ait réservé une chambre à son nom, il ne le conteste pas. Mais il conteste le cambriolage. Régulièrement, il aurait dormi dans cet hôtel. À une époque, c’était pour tromper sa copine, plus tard, c’était pour éviter de devoir rentrer après avoir fait la fête.  Suite et fin des débats mardi.

Fabienne Armborst