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Wirecard : le scandale financier allemand tourne au roman d’espionnage


Dans ce qui pourrait être l'une des plus grandes fraudes financières de ces dernières années, le fournisseur de paiements allemand Wirecard a admis que 1,9 milliard d'euros manquent dans ses comptes et "n'existent probablement pas". (photo AFP)

Le scandale financier de la société allemande Wirecard tourne au roman d’espionnage : l’homme d’affaires au centre du scandale, un Autrichien en fuite, est soupçonné de liens avec divers services de renseignement et a soigneusement effacé ses traces.

Cet homme, Jan Marsalek, a refusé à ce jour de se livrer à la justice allemande qui a délivré un mandat d’arrêt contre lui pour fraude et falsification de bilan. Ancien directeur des opérations du prestataire de paiements en ligne, il est soupçonné d’être mêlé à l’un des plus grands séismes boursiers de l’histoire allemande, avec la découverte le mois dernier de comptes fictifs à hauteur de 1,9 milliards d’euros censés appartenir à Wirecard aux Philippines et sous la responsabilité de l’homme d’affaires aujourd’hui volatilisé.

Désormais, pratiquement chaque jour apporte son lot de révélations sur les dessous de cette affaire rocambolesque. Il aurait ainsi été lié aux services de renseignement autrichiens (BVT) et aurait informé le parti autrichien d’extrême droite de ce pays, le FPÖ, en transmettant à plusieurs reprises des informations confidentielles des services de sécurité intérieure et du ministère de l’Intérieur, affirme le quotidien autrichien Die Presse.

Tout serait passé par un intermédiaire, Johann Gudenus, un proche du chef du FPÖ de l’époque, qui tenait ses informations d’un ancien ami, qui lui-même les tenait d’un « Jan du BVT ». Selon le journal, il s’agissait de Jan Marsalek dont les liens avec le BVT dateraient des débuts de Wirecard. Des agents de cet office avaient aidé à vérifier la solvabilité de sites pornographiques en ligne, un secteur par lequel Wirecard a démarré ses activités en 1999. Jeudi, l’actuel chef du FPÖ, Nobert Hofer, a déclaré ne pas connaître Jan Marsalek.

Sa piste s’arrête aux Philippines

En parallèle, Jan Marsalek s’est distingué au Royaume-Uni courant 2018 en disant disposer de documents secrets sur l’utilisation d’une arme toxique russe là-bas. Digne d’un personnage des romans de John le Carré, il l’aurait fait pour se vanter devant des contacts d’affaires londoniens de ses liens supposés avec les services de renseignement britanniques, a révélé le Financial Times. Ces documents épluchés par le quotidien comprenaient la formule d’un composant utilisé dans l’empoisonnement de l’ex-agent double Sergueï Skripal et de sa fille dans le sud de l’Angleterre en mars de la même année.

Ces détails viennent éclairer d’un jour nouveau les méthodes pour le moins étranges du dirigeant ayant contribué à l’ascension météorique de la jeune fintech. Jan Marsalek est entré au directoire de Wirecard au début des années 2000, à seulement 30 ans et sans posséder de diplôme d’études secondaires, mais muni d’un grand charisme, relate le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. L’argent a vite coulé à flot et Wirecard, fort de ses 6 000 salariés, fut un temps le « chouchou » de la Bourse de Francfort où il a valu jusqu’à 23 milliards d’euros.

Concernant sa vie privée, le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung évoque des fêtes luxueuses organisées entre Kitzbühel et Moscou, ayant pour décor « des femmes nues, du champagne et des gros paquets d’argent ». Des proches de Jan Marsalek avancent qu’il a détourné une somme qui se chiffre en « centaines de millions d’euros » des coffres de Wirecard et qu’il entretient des « contacts étroits avec des agents du renseignement de divers pays », selon Süddeutsche Zeitung. Ces relations supposées ont pu l’aider à organiser sa fuite, la presse allemande le soupçonnant d’avoir acquis une fausse identité pour mieux disparaître dans la nature.

Sa trace se perd officiellement aux Philippines, là où le pot-aux-roses a été découvert. Selon les données enregistrées par le service d’immigration philippin, l’Autrichien serait entré à Cebu le 23 juin – soit au lendemain de son éviction de Wirecard – et en serait reparti dès le lendemain pour se rendre en Chine. Mais le secrétaire d’État philippin à la Justice, Menardo Guevarra, a nié sa présence dans son pays à ces dates et il n’est semble-t-il jamais arrivé en Chine. Une enquête a été ouverte contre des agents des services d’immigration philippins accusés d’avoir émis de faux documents à son profit.

AFP/LQ