Au lendemain des élections, place aux grandes manœuvres à Bruxelles pour désigner les prochains « visages » de l’UE: l’Allemande Ursula von der Leyen semble en bonne posture pour un nouveau mandat à la tête de la Commission, mais les jeux sont encore loin d’être faits.
« Nous avons gagné les élections européennes, les amis ! », s’est exclamée dimanche soir Mme von der Leyen, qui est aussi vice-présidente du Parti populaire européen (PPE, droite), arrivé en tête du scrutin.
Mais si l’ancienne ministre allemande de la Défense veut rester cinq ans de plus à Bruxelles, elle va devoir convaincre, et faire preuve d’habileté politique.
Première étape, le Conseil européen, qui regroupe les chefs d’État et de gouvernement des 27 et qui tranche sur les « top jobs », les dirigeants des principales institutions de l’UE. Et au sein de ce cénacle, qui va se réunir deux fois avant la fin du mois, l’affaire semble plutôt bien engagée.
Douze des 27 membres du Conseil européen sont membres du PPE, et, selon une règle non écrite, le vainqueur des élections européennes peut revendiquer la présidence de la Commission européenne.
« Le PPE sort renforcé de cette élection, elle est la présidente sortante, donc je ne vois pas très bien les autres options, sauf à créer un malaise politique », juge Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Schuman à Bruxelles.
Elle a « une bonne chance d’obtenir la nomination, » souligne Marion Muehlberger, analyste de la Deutsche Bank. Cependant, ajoute-t-elle, les négociations du Conseil sur ces postes « ne sont pas complètement prévisibles et une candidature surprise – si elle apparaît peu probable – ne peut pas être complètement exclue ».
Le feu vert du Conseil en poche, Mme von der Leyen devrait ensuite passer l’examen du Parlement européen, étape qui s’annonce plus délicate.
Le vote des 720 eurodéputés devrait avoir lieu lors de la session plénière prévue du 16 au 19 juillet, ou en septembre si le Parlement choisit de reporter sa décision.
« C’est à elle de convaincre »
Selon des résultats encore provisoires, elle peut en théorie compter sur plus de 400 députés européens, soit largement au-dessus du seuil des 361 voix pour avoir la majorité. Ces députés composent la « grande coalition » pro-européenne, qui s’étend de la droite (PPE) aux sociaux-démocrates (S&D) en passant par les centristes (Renew Europe). C’est en son sein que se forgent traditionnellement les compromis au Parlement européen.
Pourtant, en dépit de cette majorité, « parvenir à une majorité au Parlement reste le défi le plus important pour von der Leyen », juge l’Eurasia Group, dans une note publiée lundi.
Le vote se fait en effet à bulletins secrets et les défections sont importantes, y compris au sein de son propre camp.
Les Républicains français (LR), pourtant membres du PPE, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne voteraient pas pour la présidente de la Commission sortante. Et en 2019, sa confirmation n’avait été obtenue que de justesse, à neuf voix près.
« Il y a un risque réel, d’environ 30%, qu’elle ne soit pas confirmée en raison de possibles défections » au moment du vote, estime l’Eurasia Group.
Mais à l’inverse, des députés de l’autre bord, y compris membres du groupe des Conservateurs européens (ECR, extrême droite), ou non inscrits, peuvent voter pour elle, remarque Mme Joannin. Cela s’était produit en 2019, rappelle-t-elle.
La présidente de la Commission doit cependant veiller à ne pas s’aliéner le soutien des sociaux-démocrates et libéraux, auquel le PPE a « tendu la main » dimanche soir.
Ursula von der Leyen pourrait aussi chercher à élargir sa majorité en s’assurant le soutien de députés actuellement non inscrits, comme ceux de l’opposition hongroise, par exemple, ou des Verts européens.
« Je parle avec ceux avec qui je travaille bien et depuis longtemps. Mais cela laisse aussi des portes ouvertes », a-t-elle déclaré lundi à Berlin.
Et de ce point de vue, c’est le contenu de ses propositions pour les cinq prochaines années qui fera la différence, estime Pascale Joannin. « Elle doit rester en campagne, c’est à elle de convaincre, dans son camp et au-delà, pour ne pas prendre le risque d’une majorité trop faible », a-t-elle résumé.