Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a prévenu jeudi la Turquie qu’elle ne pourrait pas obtenir d’exemption de visa dans l’UE si toutes les conditions prévues, notamment une modification de sa loi anti-terroriste, ne sont pas remplies.
«Nous attachons de l’importance à ce que les conditions prévues soient remplies, sinon cet accord ne verra pas le jour» a déclaré Jean-Claude Juncker lors d’une conférence à Berlin. «Si la stratégie de M. Erdogan consiste à empêcher que les Turcs puissent voyager librement en Europe il doit en répondre devant le peuple turc. Ce n’est pas mon problème, cela sera son problème», a ajouté le président luxembourgeois de la Commission, qui négocie avec Ankara cette libéralisation de visas.
Le président turc a pour sa part dénoncé jeudi l’«hypocrisie» de l’Union européenne, estimant inacceptable un assouplissement de la législation antiterroriste en Turquie confrontée à la reprise de la rébellion kurde. L’exécutif européen a ouvert la voie le 4 mai à l’exemption de visas, dont Ankara a fait une condition pour continuer d’appliquer son accord controversé avec l’UE, visant à contenir le flux de migrants souhaitant se rendre en Europe.
Mais Bruxelles a assorti son avis favorable de réserves, estimant qu’Ankara devait encore remplir cinq critères parmi les 72 fixés pour l’obtenir, dont une révision de sa législation antiterroriste, au champ trop large selon les Européens, qui craignent en particulier qu’elle soit utilisée pour restreindre la liberté d’expression et de la presse. Un point que refuse Ankara en l’état. Le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel a aussi souligné jeudi à Berlin que la Turquie n’aura droit à aucune dérogation sur les conditions fixées par l’Union européenne.
«Nous avons une position claire sur la question des visas: la Turquie doit mettre en oeuvre les conditions, il ne peut y avoir de +Lex Turquie+ (une loi spéciale, NDLR). Si le président turc ne veut ou ne peut pas les appliquer, on ne pourra pas accorder l’exemption de visa», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier a lui aussi estimé que la «balle était dans le camp de la Turquie», citant en particulier la nécessité de cesser «les poursuites de journalistes sur la base d’articles (de loi) antiterroristes».
Le débat autour de la loi antiterroriste turque est à l’origine de fortes tensions, pouvant menacer l’accord migratoire entre l’UE et Ankara. Ce dernier traverse «un moment très dangereux», a mis en garde mercredi à Strasbourg le ministre turc chargé des Affaires européennes, Volkan Bozkirun. L’accord sur les migrants, par lequel la Turquie a notamment accepté le retour sur son sol de tous les migrants entrés illégalement en Grèce depuis le 20 mars, prévoit en outre une aide financière à Ankara de six milliards d’euros et le déblocage des négociations d’adhésion du pays à l’UE.
Le Quotidien/AFP