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Virus : la Hongrie d’Orban prend le contre-pied de l’Europe


"Les gens veulent que la Hongrie continue à fonctionner, il faut préserver l'économie tout comme sauver des vies", a souligné le Premier ministre le mois dernier, à l'issue d'une "consultation nationale" (photo : AFP).

La Hongrie de Viktor Orban, qui avait instauré au printemps un strict état d’urgence, a lâché du lest face à la deuxième vague du coronavirus, une stratégie qui suscite des interrogations au moment où l’Europe durcit ses restrictions.

A l’exception de la fermeture des frontières, la vie apparaît quasi normale dans les rues de Budapest mais pendant ce temps, le nombre de décès grimpe.

Relativement épargné en début d’année, ce pays d’Europe centrale affiche désormais un des taux de mortalité les plus élevés de l’Union européenne par million d’habitants, selon les statistiques du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

En octobre, plus d’habitants y sont morts du Covid-19 qu’au cours des quatre mois précédents.

« Après la peur initiale », la population a relâché sa vigilance, commentait la responsable de l’université médicale de Budapest, Bela Merkely, dans la presse locale, alors que le cap du millier de décès était dépassé.

Les experts blâment le changement de tactique du gouvernement qui, au cours de l’été, s’est abstenu de livrer de strictes recommandations sur le port du masque, les larges rassemblements ou les voyages à l’étranger.

Un ministre a par exemple été aperçu sur un yacht en Croatie, tandis que le porte-parole du parti Fidesz au pouvoir a contracté le coronavirus lors d’une grande fête qu’il avait organisée.

Non aux touristes, oui au foot

En revanche, les frontières ont été fermées aux touristes, malgré la mise en garde de la Commission européenne: depuis le 1er septembre, les non-résidents ne sont pas autorisés à entrer en Hongrie pour « stopper les chaînes de transmission », selon le Premier ministre souverainiste.

En réalité, cette décision ne sert qu’à nourrir la propagande du gouvernement, analyse le député indépendant Akos Hadhazy.

En mars, Viktor Orban avait déjà rejeté la faute sur les étrangers: des étudiants iraniens avait été accusés d’être à l’origine des premières infections.

Les supporteurs de football ont, eux, le droit d’entrer: le 24 septembre, Budapest accueillait la Supercoupe d’Europe, premier match européen à avoir lieu devant un public.

On est loin de l’attitude adoptée face à la première vague: le gouvernement avait mis en place un strict confinement et un « état de danger », mais la législation a été abrogée en juin et les restrictions assouplies.

« Les gens veulent que la Hongrie continue à fonctionner, il faut préserver l’économie tout comme sauver des vies », a souligné le Premier ministre le mois dernier, à l’issue d’une « consultation nationale ».

« Les Hongrois ont clairement signifié qu’ils ne voulaient pas de masque et de confinement », donc M. Orban peut « s’en laver les mains » si la situation tourne mal, estime l’élu Hadhazy.

Il « a réalisé que si l’économie s’effondre, ça lui coûtera les prochaines élections » en 2022, poursuit-il.

Au deuxième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 13,6%, le pire résultat des pays de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie).

Chaos à l’école

Dans le même temps, Viktor Orban assure que les hôpitaux sont prêts à recevoir un afflux de patients. En avril, des milliers de lits avaient été vidés pour faire de la place aux malades du nouveau coronavirus.

Quelque 16.000 ventilateurs ont été achetés et le gouvernement a proposé aux médecins un doublement de leur salaire, une mesure inédite depuis 1990.

Malgré ces discours rassurants, la confusion règne sur le terrain, en particulier dans les écoles.

Le Syndicat démocratique des enseignants (PDSZ) pointe des dizaines d’exemples de professeurs obligés de continuer à travailler malgré des élèves présentant des symptômes légers en classe. « Les cas contacts et les enseignants ne sont pas isolés, les parents et les autres enfants ne sont pas informés », déplore-t-il.

Les autorités sanitaires ne sont pas capables de mener des tests rapidement et en grand nombre ou encore moins de tracer les contacts, assure l’ancien médecin-chef du pays, Ferenc Falus.

Au sein de l’UE, seule la Bulgarie effectue moins de tests pour 1.000 personnes que la Hongrie. « Les statistiques par nombre de cas ne reflètent pas la réalité », confie un médecin sous couvert de l’anonymat.

AFP