Explosions et tirs résonnent jeudi à Khartoum, au vingtième jour de combats acharnés entre l’armée et les paramilitaires qui se disputent le pouvoir au Soudan, risquant d’entraîner la région dans une crise.
Malgré l’annonce d’un « accord de principe » pour prolonger jusqu’au 11 mai une trêve jamais respectée, « des affrontements et des explosions » secouent la banlieue nord de Khartoum, rapportent à l’aube des habitants.
Comme les plus de cinq millions d’habitants de la capitale, ils ne vivent plus qu’au rythme des bombardements, terrés pour éviter les balles perdues dans des maisons sans eau ni électricité, avec de moins en moins d’argent et de nourriture, le tout sous une chaleur écrasante.
Depuis le 15 avril, la guerre entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, a fait 550 morts et 5 000 blessés, selon un bilan largement sous-estimé. Les hôpitaux ne peuvent suivre: moins d’un sur cinq est encore en fonctionnement à Khartoum et quasiment aucun au Darfour (ouest).
Les combats ont déplacé plus de 335 000 personnes et poussé 115 000 autres à l’exil, selon l’ONU, qui s’attend à huit fois plus de réfugiés.
Pillages
Le jour où la guerre a éclaté, les deux généraux – alliés pour leur putsch de 2021 – devaient discuter avec l’ONU et les médiateurs internationaux de l’intégration des FSR à l’armée, condition sine qua non à un retour à la transition vers un gouvernement civil et donc à la reprise de l’aide internationale, suspendue en réaction au putsch.
Au lieu de négociations politiques, les 45 millions de Soudanais se sont réveillés au bruit de l’artillerie et des raids aériens.
« Nous pouvons dire que nous n’avons pas réussi à empêcher » la guerre qui a pris l’ONU « par surprise », a reconnu mercredi son secrétaire général Antonio Guterres.
« À chaque minute de guerre de plus, des gens meurent ou sont jetés dans les rues, la société se désagrège et l’État s’affaiblit et se décompose un peu plus », a déploré Khalid Omar Youssef, un ancien ministre civil limogé lors du putsch.
Dans la ville côtière de Port-Soudan, épargnée par la violence, le coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, Martin Griffiths, tente d’organiser les réapprovisionnement des stocks après des pillages de masse dans un pays où un habitant sur trois dépendait déjà de l’aide humanitaire avant la guerre.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, décrit le chaos à Khartoum : « un raid de l’armée de l’air sur un hôpital », les FSR qui « lancent des attaques dans des zones urbaines densément peuplées »…
Au Darfour, où des civils ont été armés pour participer aux affrontements mêlant militaires, paramilitaires et combattants tribaux ou rebelles selon l’ONU, l’ONG Norwegian Refugee Council (NRC) raconte la désolation: « il y a eu au moins 191 morts, des dizaines d’habitations incendiées, des milliers de déplacés et les bureaux de NRC ont été pillés ».
« Solutions africaines »
Le Soudan du Sud, médiateur historique, a annoncé « un accord de principe » sur une trêve « du 4 au 11 mai ». À son entrée en vigueur, l’armée a dit avoir « accepté » à condition que les FSR s’y tiennent également. Les paramilitaires n’ont pas commenté.
Alors que les canaux diplomatiques se multiplient en Afrique et au Moyen-Orient, l’armée a dit choisir cette proposition de l’Igad, l’organisation régionale de l’Afrique de l’Est car il faut « des solutions africaines aux problèmes du continent ».
Elle a également salué les médiations américano-saoudiennes, après une tournée cette semaine de son émissaire à Riyad puis au Caire et à la Ligue arabe.
Le camp du général Burhane s’est engagé à « nommer un émissaire pour négocier une trêve » avec le camp rival, sous l’égide « des présidents sud-soudanais, kényan et djiboutien », dans un pays qui doit encore être déterminé.
Alors que l’exode des Soudanais se poursuit, des étrangers continuent d’être évacués par centaines, principalement via Port-Soudan, sur la mer Rouge.
Antonio Guterres a jugé « absolument essentiel » que la crise ne s’étende pas au-delà des frontières. Il a plaidé pour « soutenir massivement le Tchad », voisin du Soudan, rappelant que « d’autres pays de la région (étaient) dans leurs propres processus de paix », comme l’Éthiopie et le Soudan du Sud.