Le procureur général de la Cour de cassation préconise de casser la décision qui, à la surprise générale, avait ordonné le 20 mai la reprise des traitements visant à maintenir en vie Vincent Lambert, patient tétraplégique en état végétatif depuis 2008, a-t-on appris jeudi.
Dans son avis écrit qu’il soutiendra à l’audience de la Cour de cassation, qui se réunira lundi en assemblée plénière, François Molins préconise la « cassation » de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, « sans renvoi » devant une autre juridiction.
Celle-ci avait ordonné le 20 mai la reprise de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert, interrompues le matin même, comme demandé par un comité de l’ONU en attendant qu’il se prononce sur le fond du dossier. Si une telle cassation intervenait, cela pourrait entraîner indirectement un nouvel arrêt des traitements.
Au sein de la famille de Vincent Lambert, déchirée entre deux camps, les avocats de son épouse soutiennent un tel scénario. La Cour de cassation est saisie des pourvois de l’État, des ministères de la Santé et des Affaires étrangères et du CHU de Reims. Il appartiendra à la haute juridiction non pas de statuer sur le bien-fondé de l’arrêt des soins, mais de trancher un débat très technique en disant notamment si le juge judiciaire – la cour d’appel – était compétent.
Atteinte à la « liberté individuelle » ?
De tels litiges relèvent habituellement de la justice administrative. En avril, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, avait de nouveau validé la décision médicale d’arrêter les traitements. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) lui avait donné raison. Les parents Lambert, fervents catholiques opposés à l’arrêt des traitements, s’étaient tournés vers le juge judiciaire pour obtenir le maintien des soins, comme demandé par le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH), émanation de l’ONU.
Pour se déclarer compétente, la cour d’appel s’était fondée sur la notion juridique de « voie de fait », qui permet au juge judiciaire de sanctionner une atteinte à la « liberté individuelle » commise par l’administration. Pour les juges, cette dernière avait porté atteinte au droit « à la vie » en se dispensant de maintenir les traitements comme le demandait le CDPH.
François Molins souligne au contraire qu’il n’y a pas là d’atteinte à la « liberté individuelle » au sens de la Constitution et de la jurisprudence, que la décision d’arrêt des traitements était légale et que les demandes du comité de l’ONU ne sont pas contraignantes. Il conclut qu’en l’absence de « voie de fait », la cour d’appel n’était pas compétente.
LQ/AFP