Le président américain Donald Trump a engrangé dans la nuit de vendredi à samedi une précieuse victoire d’étape avec l’adoption par le Sénat d’une réforme historique de la fiscalité et d’une gigantesque baisse d’impôts.
Le texte, adopté de justesse par 51 voix contre 49, doit maintenant être harmonisé avant la fin décembre avec la version adoptée le 16 novembre par la Chambre des représentants. L’annonce du résultat, par le vice-président Mike Pence lui-même, a été accueilli par des applaudissements et des tapes dans le dos dans l’hémicycle, peu avant 2h du matin.
Ce serait la première grande réforme du mandat du 45e président des États-Unis, qui n’a pas réussi à tenir son engagement d’abroger la loi sur le système de santé de Barack Obama, cet automne.
« Pour la première fois depuis 1986, la Chambre et le Sénat ont adopté une refonte majeure de la fiscalité », s’est félicité le président républicain de la Chambre, Paul Ryan. « Une occasion comme celle-ci ne se présente qu’une fois par génération, à nous de la saisir ».
La bonne nouvelle, pour le locataire de la Maison Blanche, devra cependant partager la une avec la mauvaise nouvelle de l’inculpation de son ancien conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, pour des déclarations mensongères au FBI sur ses contacts avec des responsables russes l’an dernier.
Tous les sénateurs républicains, sauf un, ont voté en faveur de la réforme, tandis que les 48 membres de la minorité démocrate s’y sont opposés. Auparavant, deux amendements, un républicain et un démocrate, ont été adoptés lors d’une longue série de votes.
A quelques heures près, la majorité a donc tenu son calendrier. Elle ne veut pas perdre son élan et convoquera dès lundi une commission bicamérale chargée de forger un compromis entre les deux chambres du Congrès. Puis chacune devra revoter avant la fin de l’année.
Déficits publics en hausse
Donald Trump martèle que les républicains n’ont pas le droit à l’erreur, après l’échec humiliant de l’abrogation d’Obamacare. Le milliardaire a placé la baisse des impôts au cœur de sa politique économique, dans le but de redonner du pouvoir d’achat à la classe moyenne et de rendre les États-Unis plus compétitifs pour les entreprises.
L’impôt sur les sociétés passerait de 35 à 20%. Toutes les catégories de contribuables verraient leurs impôts baisser, même si l’effet se réduirait progressivement au cours de la prochaine décennie.
Et une grande simplification fiscale devra permettre en théorie aux contribuables de déclarer leurs revenus sur l’équivalent d’une « carte postale ».
La bataille a été rude au sein du camp républicain. La majorité a passé les dernières 24 heures à revoir sa copie, dans une opacité quasi-totale, afin de satisfaire les élus qui menaçaient de faire défection.
L’un d’eux a obtenu un engagement de principe de la Maison Blanche à résoudre le problème des jeunes clandestins menacés d’expulsion. Une autre a arraché des concessions pour préserver certains acquis de la loi Obamacare.
Seul le sénateur républicain du Tennessee Bob Corker s’est finalement opposé à son parti, car la loi creuserait excessivement, selon lui, les déficits publics.
« Trésor fédéral pillé »
Les promoteurs de la réforme avaient initialement assuré que les baisses d’impôts s’autofinanceraient, grâce à un regain de croissance, mais selon les experts d’une commission non partisane, quelque 1 000 milliards de dollars devraient s’ajouter à la dette publique actuelle de 20 000 milliards.
La minorité démocrate n’a pu exprimer qu’une opposition symbolique. Sur le fond, ils ont dénoncé un texte « arnaquant » la classe moyenne car profitant au total plus aux entreprises et aux contribuables les plus fortunés.
« Le Trésor fédéral est pillé ce soir ! » a tonné le sénateur apparenté Bernie Sanders.
Au passage, la loi abroge l’obligation de souscrire une assurance-maladie instaurée par Obamacare, une mesure qui risque de déstabiliser le système de santé. Et elle ouvre des terres protégées de l’Alaska aux forages pétroliers.
Sur la forme, l’opposition s’est scandalisée de la réécriture de dernière minute et du dévoilement tardif des 479 pages du texte, dont quelques pages ont même été réécrites à la main, dans les marges. « Au cœur de la nuit, les sénateurs républicains ont trahi la classe moyenne américaine », a dénoncé Nancy Pelosi, chef des démocrates de la Chambre.
Le Quotidien/AFP