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Venezuela : présidentielle à haut risque


Des partisans du président sortant Nicolas Maduro. (photo AFP)

Tension et incertitude règnent au Venezuela avant la présidentielle de dimanche mettant aux prises le sortant Nicolas Maduro, qui promet un « bain de sang » sans lui et une opposition jurant d’aller « jusqu’au bout ».

Les sondages donnent l’opposition largement en tête, mais certains observateurs assurent que la lutte entre Nicolas Maduro, 61 ans, qui brigue un troisième mandat de six ans, et le diplomate Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, est bien plus serrée que ne le laissent entrevoir les estimations en l’absence d’un recensement récent de la population.

Tous ou presque s’accordent toutefois à dire que plus la participation sera forte plus les chances de victoire de l’opposition sont grandes, le président Maduro pouvant difficilement espérer mobiliser au-delà de sa base.

Quelque 21 des 30 millions de Vénézuéliens sont appelés à choisir entre Nicolas Maduro, héritier d’Hugo Chavez, populaire président d’inspiration socialiste de 1999 jusqu’à sa mort en 2013, et Edmundo Gonzalez Urrutia, inconnu il y a quelques semaines, qui a remplacé au pied levé la charismatique Maria Corina Machado, leader de l’opposition, déclarée inéligible par le pouvoir.

Edmundo Gonzalez Urrutia et Maria Corina Machado. (photo AFP)

Les huit autres candidatures sont anecdotiques. Les bureaux de vote seront ouverts de 6 h (minuit, heure de Luxembourg) à 18 h avec des résultats attendus dans la nuit.

Nicolas Maduro, 61 ans, qui s’appuie sur l’armée et un harcèlement policier de l’opposition, promet régulièrement qu’il ne cédera pas le pouvoir, prédisant le chaos sans lui.

« L’avenir du Venezuela pour les 50 prochaines années se décide le 28 juillet, entre un Venezuela de paix ou de violences. Paix ou guerre », a-t-il lancé, après avoir évoqué un possible « bain de sang dans une guerre civile fratricide provoquée par les fascistes ».

Ces propos ont « effrayé » le président brésilien Lula, qui a réagi vigoureusement : « Maduro doit apprendre que quand on gagne, on reste (au pouvoir). Quand on perd, on s’en va. » Une position partagée par un autre président de gauche, le Chilien Gabriel Boric qui a demandé des élections « transparentes, compétitives et avec une observation internationale ».

« Il y a un mouvement pour le changement. Le changement, ici, on le demande comme on demande de la nourriture ou de l’eau, c’est existentiel. Il y a une nécessité de changement », dit Luis Salamanca, professeur de l’université centrale du Venezuela. Dans des conditions « normales » de vote dimanche, « il y aura une victoire extrêmement large de l’opposition ».

La plupart des sondeurs estiment que Nicolas Maduro ne dépassera pas les 30 % et situent l’opposition entre 50 et 70 %.

Crise du pétrole 

Le pays pétrolier, longtemps un des plus riches d’Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise économique sans précédent. Conséquence d’une mauvaise gestion et de la corruption, la production pétrolière s’est effondrée. Le PIB s’est réduit de 80 % en dix ans avec une hyperinflation qui a obligé les autorités à dollariser partiellement l’économie.

Sept millions de Vénézuéliens ont fui le pays. La grande partie de ceux qui sont restés vit avec quelques dollars par mois. Les systèmes de santé et d’éducation sont dans un état de délabrement complet.

Le pouvoir accuse le « blocus criminel » d’être à l’origine de tous les maux. Les États-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d’évincer Nicolas Maduro du pouvoir après sa réélection contestée de 2018 lors d’un scrutin entaché de fraudes selon l’opposition et qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.

Malgré le rapprochement du Venezuela avec la Russie, l’Iran et la Chine, les États-Unis, qui étaient le principal acheteur de pétrole vénézuélien avant les sanctions, restent un acteur central de la crise.

Washington a tenté de forcer Nicolas Maduro à des élections « démocratiques, libres et compétitives » sans infléchir Caracas, qui a confirmé l’inéligibilité de Maria Corina Machado et retiré son invitation à l’Union européenne pour observer le scrutin.

Mais, la Maison-Blanche, désireuse de relancer la production vénézuélienne dans un contexte de tension sur le brut avec les crises ukrainienne et au Moyen-Orient, a ouvert la porte avec des autorisations de travailler pour des compagnies pétrolières étrangères comme Chevron.

Nicolas Maduro cherche à normaliser ses relations avec le monde occidental notamment pour avoir accès aux capitaux susceptibles de relancer la machine pétrolière.

Promesses de « changement » 

L’opposition et Nicolas Maduro promettent le « changement » et une « nouvelle prospérité » presque dans les mêmes termes. L’opposition avec une libéralisation économique et des privatisations, Nicolas Maduro avec plus de social et une relance.

Beaucoup craignent que l’actuel président, souvent qualifié de « dictateur » par l’opposition, tente de fausser le jeu dimanche.

« Bien qu’il soit peu probable que les élections au Venezuela soient libres ou équitables, les Vénézuéliens ont la meilleure chance depuis plus d’une décennie de choisir leur propre gouvernement », analyse Juanita Goebertus, de Human Rights Watch.

Rebecca Hanson, de l’université de Floride estime possible « de la violence après l’annonce des résultats », soulignant que les chances de voir Nicolas Maduro accepter de quitter le pouvoir sont « faibles ».

Une des clés sera l’attitude de l’appareil sécuritaire, pilier du pouvoir.

« Les militaires sont loyaux jusqu’à ce qu’ils cessent de l’être », rappelle sous couvert de l’anonymat un universitaire citant l’ancien président Luis Herrera Campins (1979-84) et espérant que la fidélité de l’armée au chavisme ne soit pas inébranlable.

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