Le président du Venezuela Nicolas Maduro a décrété dans la nuit de vendredi à samedi l’état d’exception, faisant état de « menaces extérieures », quelques heures avant une nouvelle journée de mobilisation de l’opposition qui exige la tenue d’un référendum pour le révoquer.
Le décret « d’état d’exception et d’urgence économique » vise à « neutraliser et mettre en échec l’agression extérieure » qui pèse sur le pays, a déclaré le chef de l’Etat socialiste dans une allocution radiotélévisée depuis le Palais du gouvernement.
Il étend et proroge « pour les mois de mai, juin, juillet » un précédent « décret d’urgence économique », en vigueur depuis la mi-janvier et qui expirait samedi.
Il « sera étendu constitutionnellement pendant l’année 2016 et certainement pendant l’année 2017, afin de récupérer la capacité de production du pays », a ajouté le chef de l’Etat qui n’a pas précisé si l’état d’exception impliquait une restriction des droits civils.
L' »urgence économique » autorise l’exécutif à disposer des biens du secteur privé pour garantir l’approvisionnement des produits de base, ce qui, selon l’opposition, ouvre la voie à de nouvelles expropriations.
Le Venezuela, autrefois riche producteur pétrolier grâce à ses réserves les plus importantes au monde, est plongé dans une grave crise avec la chute des cours du brut, qui apporte 96% de ses devises.
Le pays a enregistré en 2015 une inflation de 180,9%, une des plus élevées au monde, et un recul du PIB de 5,7%, pour la deuxième année consécutive.
S’ajoutant à l’effondrement économique, il vit une profonde crise politique entre un gouvernement chaviste (du nom de l’ex-président, le défunt Hugo Chavez, 1999-2013) et un Parlement d’opposition.
Le bras de fer entre les deux institutions s’est accentué depuis que l’opposition a rassemblé début mai 1,8 million de signatures en faveur du référendum pour révoquer le président Maduro, qu’elle souhaite organiser d’ici fin 2016.
La question du calendrier est cruciale: si le référendum survient avant le 10 janvier 2017 et que le « oui » l’emporte, le Venezuela irait vers de nouvelles élections.
Mais à partir du 10 janvier, tout référendum couronné de succès ne mènerait qu’à une chose: le remplacement de M. Maduro par son vice-président Aristobulo Isturiz, du même parti.
Elu en 2013 pour un mandat de six ans, Nicolas Maduro est aujourd’hui largement impopulaire : 68% des Vénézuéliens souhaitent son départ et l’organisation de nouvelles élections, selon un récent sondage.
« La glace craque »
L’opposition n’a pas tardé à réagir à l’annonce de l’état d’exception, le député d’opposition Tomás Guanipa accusant le président de vouloir « destabiliser le pays et empêcher le référendum ».
De son côté, le chef de l’Etat accuse l’opposition de vouloir perpétrer un « coup d’Etat », à l’image de ce qui, selon lui, s’est produit au Brésil, où la présidente de gauche Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir par le parlement dans l’attente de son procès en destitution.
Alors que l’opposition a prévu de manifester samedi à Caracas, M. Maduro tiendra lui un meeting au cours duquel il devrait annoncer de nouvelles mesures anti-crise.
Selon le Washington Post, des responsables des services de renseignements américains estiment que le gouvernement vénézuélien pourrait être renversé par une insurrection populaire cette année.
« Vous entendez la glace craquer. Vous savez que la crise arrive », a commenté un responsable des renseignements cité samedi par le quotidien.
Les Etats-Unis estiment avoir peu d’influence sur le cours des événements au Venezuela et redoutent par dessus tout un effondrement du pays, selon le Post, qui fait état de la déception américaine face à une opposition vénézuélienne indisciplinée et divisée.
Dans son intervention vendredi soir, M. Maduro a critiqué une rencontre quelques heures plus tôt à Miami (Etats-Unis) entre des dirigeants de l’opposition vénézuélienne et le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro.
Lors de cette rencontre, M. Almagro avait estimé que le référendum, réclamé par l’opposition, devait être organisé avant la fin de l’année pour permettre « au peuple de s’exprimer », et envisagé de convoquer les instances de l’OEA pour discuter de la crise politique au Venezuela.
L’OEA est une cible récurrente des attaques du président Nicolas Maduro, qui accuse l’organisation régionale d’être au service des Etats-Unis.
Jeudi, M. Maduro avait accusé Washington de vouloir « en finir avec les courants progressistes en Amerique latine ».
Le Quotidien / AFP