Près d’un mois après une annonce en grande pompe des autorités russes, les chercheurs du pays ont publié une première étude qui montre que leur candidat-vaccin contre le coronavirus, Spoutnik V, donne des résultats préliminaires encourageants.
Le vaccin en cours de développement par le gouvernement russe et l’institut de recherche Gamaleïa déclenche une réponse immunitaire et n’a pas entraîné d’effets indésirables graves, conclut l’article des chercheurs russes publié par la prestigieuse revue britannique The Lancet, après évaluation par un comité de relecture composé de scientifiques indépendants.
Ces résultats ne prouvent pas encore que le vaccin protège efficacement contre une infection par le nouveau coronavirus, ce que devront montrer des études de plus grande ampleur, soulignent toutefois des experts.
Le 11 août, les autorités russes avaient annoncé l’entrée de Spoutnik V dans la 3e et dernière phase d’essais cliniques, mais sans rendre publics les résultats des essais déjà menés. Elles avaient par ailleurs affirmé leur volonté de l’homologuer dès septembre, sans attendre les résultats de cette 3e phase d’essais, puis de démarrer les campagnes de vaccination en janvier. Après cette annonce, de nombreux chercheurs et certains pays comme l’Allemagne et les États-Unis avaient émis des doutes sur l’efficacité et la sécurité du vaccin, en raison notamment de l’absence de données publiques disponibles sur les essais menés.
Deux injections différentes à trois semaines d’intervalle
Moscou avait de son côté dénoncé ces critiques comme des tentatives pour dénigrer la recherche russe. Le Spoutnik V est en fait constitué de deux vaccins différents, administrés en deux injections successives, à trois semaines d’intervalle, détaille l’article publié vendredi. Il s’agit de vaccins à « vecteur viral » : ils utilisent comme support deux adénovirus humains (virus très courants, responsables notamment de rhumes), transformés pour y ajouter une partie du virus responsable du Covid-19.
Lorsque l’adénovirus modifié pénètre dans les cellules des personnes vaccinées, ces dernières vont fabriquer une protéine typique du Sars-Cov-2, apprenant ainsi à leur système immunitaire à le reconnaître et à le combattre, explique l’auteur principal de l’article, Denis Logounov, de l’Institut Gamaleïa.
Deux études de petite taille ont été menées sur 76 adultes volontaires en bonne santé, âgés de 18 à 60 ans. Elles concluent que chacun des deux composants du vaccin n’a pas entraîné « d’effets indésirables graves » et que l’administration successive des deux composants « provoque la production d’anticorps » chez tous les participants, y compris des « anticorps neutralisants ».
Le vaccin déclenche également l’autre volet de la réponse immunitaire qui passe par les lymphocytes T. Ces études ont été menées entre le 18 juin et le 3 août par des chercheurs des ministères russes de la Santé et de la Défense, et financées par le ministère russe de la Santé. « Des essais de grande taille, avec un suivi plus long et incluant la comparaison avec un placebo » sont désormais « nécessaires pour établir dans la durée l’innocuité et l’efficacité du vaccin pour empêcher une infection par le Covid-19 », soulignent leurs auteurs.
Les réserves des spécialistes
Ces résultats sont « de bon augure », mais ne disent pas si le vaccin provoquera aussi une réponse immunitaire chez les personnes âgées, plus à risque face au coronavirus, souligne Naor Bar-Zeev, spécialiste des vaccins à l’École de santé publique Johns Hopkins Bloomberg (Baltimore), qui n’a pas participé à l’étude. « Les vaccins étant administrés à des gens en bonne santé et, dans le cas de la pandémie de Covid-19, potentiellement à l’ensemble de la population (…), la sécurité est primordiale », ajoute-t-il, dans un commentaire publié par The Lancet.
« Une réponse immunitaire ne signifie pas nécessairement une protection » contre le Covid-19, avertit aussi Brendan Wren, professeur de microbiologie à la London School of Hygiène and Tropical Medicine. Le président russe Vladimir Poutine avait affirmé le 11 août, sans l’étayer, que Spoutnik V donnait « une immunité durable ».
La pandémie de Covid-19 a entraîné une mobilisation sans précédent de nombreux pays pour développer le plus vite possible un vaccin susceptible de protéger contre cette maladie. Selon l’OMS, un total de 176 candidats vaccins sont en cours de développement dans le monde, dont 34 sont au stade des essais cliniques, ce qui signifie qu’ils ont commencé à être testés sur des humains. Parmi ceux-ci, huit sont en phase 3, la plus avancée.
LQ/AFP