Pas une, mais deux sorties de livres la même semaine, accompagnées d’une frénésie d’interviews oscillant entre éclats de rires et gravité pour évoquer « l’âme de la nation » et le souvenir ému de parents immigrés.
La sénatrice démocrate Kamala Harris serait-elle sur le point de se lancer dans la présidentielle américaine de 2020? Bien sûr, ironisent les commentateurs devant ce programme typique pour un aspirant à la Maison Blanche.
« Peut-être », a-t-elle (à peine) esquivé dans un éclat de rires contagieux sur le plateau du célèbre humoriste américain Stephen Colbert, sur CBS jeudi. La réponse définitive devrait venir dans les prochains jours.
Mais ses mots rassembleurs dans sa nouvelle biographie –The Truths We Hold. An American Journey (Les vérités que nous portons, un voyage américain- donnent le ton à l’heure où l’Amérique est divisée par la présidence de Donald Trump.
Si la sénatrice de 54 ans se lance, Kamala Harris serait alors en lice pour devenir la première femme présidente des Etats-Unis, mais aussi la première noire. Semblant incarner à merveille le « rêve américain » et le fruit idéal de son melting-pot, ce ne serait pas la première fois qu’elle décroche un titre de pionnière.
De la côte Ouest
Après deux mandats de procureure de San Francisco (2004-2011), elle a été élue, deux fois, procureure de Californie (2011-2017), devenant alors la première femme, mais aussi la première personne noire, à diriger les services judiciaires de ce grand Etat.
Puis en janvier 2017, elle a prêté serment au Sénat à Washington, s’inscrivant comme la première femme originaire d’Asie du Sud et seulement la seconde sénatrice noire dans l’histoire américaine.
Ses interrogatoires serrés, au ton parfois dur, lors d’auditions sous haute tension, comme celle du candidat conservateur controversé à la Cour suprême Brett Kavanaugh en 2018, témoignent de son passé de procureure.
« Elle a une histoire forte, mais a aussi démontré qu’elle est une parlementaire très sérieuse », explique Jennifer Lawless, politologue à l’université de Virginie.
« Traitée comme une imbécile »
Fille d’immigrés, Kamala Harris a grandi à Oakland, dans la Californie progressiste des années 1960, fière de la lutte pour les droits civiques de ses parents.
« Ma mère était la personne la plus forte que j’aie jamais rencontrée », a répété ces derniers jours la sénatrice à propos de Shyamala, arrivée d’Inde à 19 ans pour étudier, puis devenue « une chercheuse admirée sur le cancer ».
Kamala Harris parle aussi de son père jamaïcain, Donald, « un économiste respecté ».
Mais après la séparation de ses parents, lorsqu’elle avait environ cinq ans, c’est sa mère qui l’a élevée avec sa soeur cadette, Maya, devenue avocate et conseillère de Hillary Clinton lors de sa campagne présidentielle en 2016.
Enfance heureuse
Une enfance « heureuse », avec l’accent mis sur l’éducation, aime-t-elle à répéter, et qui inspire le livre pour enfants « Superheroes Are Everywhere » (les superhéros sont partout), qu’elle vient aussi de publier.
Elle a toutefois également connu la discrimination. « J’ai trop de souvenirs de ma mère brillante étant traitée comme une imbécile à cause de son accent », écrit Kamala Harris.
Interrogée sur ce passage, la sénatrice a eu des mots durs pour le républicain Donald Trump. « Il existe des forces puissantes, y compris ce président, qui tentent de dénigrer les immigrés simplement parce qu’ils sont nés dans un autre pays », a-t-elle déclaré récemment sur CNN.
« Charismatique »
Son parcours politique restera pourtant d’une certaine façon lié à celui du milliardaire, puisqu’elle a décroché son premier mandat de sénatrice le 8 novembre 2016, jour de la victoire de Donald Trump.
Dans son livre, elle raconte le choc de cette soirée, mais aussi le sursaut qui a rapidement suivi. « Nous valons mieux que cela », écrit-elle. « Mais nous allons devoir le prouver ».
Son message résolument optimiste contraste nettement avec le sombre panorama décrit par Donald Trump. Une « bonne stratégie », juge Dena Grayson, stratège démocrate. « Elle emprunte une page du manuel de Barack Obama, qui se centrait sur l’espoir », après un président républicain lui aussi impopulaire, George W. Bush.
« Charismatique », la sénatrice, mariée depuis août 2014 à un avocat père de deux enfants, a ses chances, estiment Dena Grayson et Jennifer Lawless.
Mais les deux analystes soulignent que la multitude de candidats démocrates attendus complique tout pronostic. Pour Jennifer Lawless, « la question reste de savoir si elle parviendra à se faire entendre quand nous auront un groupe de 10, 12 ou 15 candidats à la présidentielle ».
AFP