La directrice de cabinet du président malgache Romy Andrianarisoa et un Français décrit comme son « associé » ont été arrêtés au Royaume-Uni, soupçonnés d’avoir demandé des pots-de-vin pour l’attribution de licences d’exploitation au groupe minier britannique Gemfields.
Romy Andrianarisoa, 46 ans et Philippe Tabuteau, 54 ans, ont été interpellés jeudi à Londres, a annoncé lundi dans un communiqué l’Agence britannique anti-criminalité (NCA).
L’entreprise avait fait part de ses préoccupations aux autorités britanniques et les deux suspects ont été arrêtés dans le quartier de Victoria « lors d’une réunion où ils sont soupçonnés d’avoir tenté de solliciter » des sommes totalisant 250.000 francs suisses (260.000 euros) « et une participation au capital de 5% », poursuit la NCA.
Selon le Financial Times, qui a révélé l’information dimanche soir, cette dernière demande visait une participation dans tous les projets malgaches de Gemfields, qui est depuis 2008 propriétaire de la société Oriental Mining dans le pays.
Mme Andrianarisoa et M. Tabuteau ont comparu samedi devant un tribunal britannique qui a ordonné leur maintien en détention jusqu’à une audience le 8 septembre devant la Southwark Crown Court. Ils encourent chacun jusqu’à dix ans de prison.
« Je suis reconnaissant à Gemfields d’avoir porté cette affaire à notre attention et de sa coopération continue à l’enquête », a indiqué Andy Kelly, chef de l’unité de corruption internationale de l’agence anti-criminalité britannique, cité dans le communiqué. Contactée par l’AFP, Gemfields n’a pas donné suite.
La présidence malgache a annoncé lundi de son côté qu' »au vu de la situation », Mme Andrianarisoa est « relevée de ses fonctions avec effet immédiat ». La proche du chef d’Etat Andry Rajoelina était officiellement en congé depuis la semaine dernière, a précisé la présidence dans un communiqué, ajoutant que « les autorités malagasy ignorent les raisons de son déplacement au Royaume-Uni ».
L’affaire éclate moins de trois mois avant le premier tour de l’élection présidentielle le 9 novembre dans la grande île de l’océan Indien. M. Rajoelina, dont la double nationalité française et malgache a récemment fait l’objet d’une polémique, n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature.
« Extrême corruption »
« Cette affaire n’est qu’un exemple de l’extrême corruption qui gangrène notre pays au détriment de tous les Malgaches. Andry Rajoelina doit partir, pour le bien de mon pays! », a réagi lundi Siteny Randrianasoloniaiko, l’un des principaux opposants à M. Rajoelina. Le pays est classé à la 142e position sur 180 dans le classement de la perception de la corruption de Transparency International.
L’ONG a appelé le mois dernier les candidats à la présidentielle à s’engager dans la lutte contre « le caractère tentaculaire des ramifications de la corruption à Madagascar et l’intensité de la protection politique et judiciaire qui les entoure, favorisant l’impunité ». Madagascar avait connu en 2018, quelques mois avant l’élection présidentielle précédente, une crise politique provoquée par l’adoption de lois électorales controversées, qui avait notamment débouché sur des poursuites contre 79 députés soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin.
La justice du pays a par ailleurs annoncé en novembre l’ouverture d’une enquête sur le commerce de litchi, dont le pays est grand producteur, après un rapport de Transparency International sur des soupçons de corruption et blanchiment.
Gemfields, également propriétaire du joaillier Fabergé, exploite une mine d’émeraudes en Zambie et de rubis au Mozambique. A Madagascar, le groupe détient des concessions mais n’a pas d’exploitation actuellement en activité.
Selon le dernier rapport annuel de Gemfields, Oriental Mining détient « un certain nombre de concessions pour une gamme de minéraux, dont l’émeraude et le saphir », et prévoit de reprendre cette année des procédures pour obtenir des permis supplémentaires dans le pays, après des retards liés à la pandémie de Covid-19.