Rues envahies de boue et de rochers, militaires portant des enfants dans les décombres, habitants en larmes : la Colombie était en deuil dimanche après une gigantesque coulée de boue qui a fait au moins 200 morts dans une ville du sud du pays.
Des quartiers entiers de Mocoa, ville de 40 000 habitants privée d’électricité et d’eau courante, ont été ravagés après des pluies torrentielles affectant aussi le Pérou et l’Équateur, qui ont provoqué le débordement des rivières Mocoa, Mulato et Sangoyaco, en surplomb de la ville. Après avoir fait état de 234 morts, la Croix Rouge est revenue à un bilan de 200 morts, expliquant qu’il y avait eu une confusion lors de l’identification des victimes. Elle a compté également 203 blessés et un nombre indéterminé de disparus qu’elle avait précédemment évalué à environ 150.
Les commerces ont été fermés après « des pillages de lieux vendant de l’eau », a indiqué un pompier, David Silva, selon lequel la plupart des quartiers dévastés étaient habités par des déplacés du conflit armé qui déchire la Colombie depuis les années 1960. « Nos cœurs sont avec les familles des victimes et les personnes affectées par cette tragédie », a tweeté le président Juan Manuel Santos, qui a pris sur place la direction des secours et déclaré l’état de « calamité publique » pour les « accélérer ».
Juchés sur les toits
De nombreux rescapés ont raconté à Juan Manuel Santos qu’ils s’étaient juchés sur les toits parce que l’eau leur arrivait jusqu’au cou. Lina Marcela Morales cherchait samedi cinq de ses proches qui « dormaient et n’ont pas eu le temps de sortir de leur maison, déjà inondée », selon son récit diffusé par la présidence. « On pouvait entendre le bruit que faisait la rivière et c’est pour ça que ma famille est sortie, parce qu’on a su que la coulée arrivait », a décrit Harvey Gomez à un photographe. Alors que la nuit tombait, ce fonctionnaire de 38 ans tentait de récupérer le peu qui pouvait être sauvé dans sa maison dévastée.
« Il y a beaucoup de gens dans les rues, beaucoup de sinistrés, de nombreuses maisons détruites », a déclaré par téléphone à l’AFP Hernando Rodriguez, un habitant de 69 ans. Selon ce retraité, « les gens ne savent que faire », « on n’était pas préparés » à une telle catastrophe. « Nous avons du mal à nous rendre compte de ce qui nous est arrivé », a-t-il ajouté.
Changements climatiques
Dans la soirée de vendredi, il est tombé 130 millilitres de pluie, soit 30% de la moyenne mensuelle à Mocoa. « C’est une tragédie sans précédent », a déclaré la gouverneure du Putumayo, Sorrel Aroca, à W Radio. Les pluies sur Mocoa devraient aller « en décroissant progressivement » à partir de dimanche, a précisé Diego Suarez, de l’Institut d’hydrologie, de météorologie et d’études environnementales de Colombie (Ideam).
Plus d’un millier de militaires et de policiers participent aux secours, selon le ministre de la Défense Luis Carlos Villegas, également sur place, comme d’autres membres du gouvernement. Selon l’Unité nationale de gestion des risques de catastrophe (UNGRD), plus de sept tonnes de matériel médical et d’approvisionnement en eau et en électricité ont été expédiées à Mocoa. La France, l’Union européenne, l’Allemagne, l’Espagne, le Brésil, l’Equateur et le Venezuela, parmi d’autres, ont exprimé leur solidarité, comme la chancelière allemande qui a déploré « ces catastrophes naturelles effroyables ».
Le pape François s’est dit dimanche lors d’une messe à Carpi (nord de l’Italie, une région frappée en 2012 par un séisme meurtrier) « profondément affligé par la tragédie qui frappe la Colombie ». Le « changement climatique génère des dynamiques et nous en voyons les graves résultats en termes d’intensité, de fréquence et de magnitude (…) comme à Mocoa », a regretté le chef de la délégation de l’ONU en Colombie, Martin Santiago.
De violentes pluies, dues au phénomène climatique El Niño, affectent depuis plusieurs semaines la région des Andes, dans le nord-ouest de l’Amérique latine. Elles ont aussi provoqué des inondations au Pérou, avec 101 morts et plus de 900 000 sinistrés, et en Equateur, qui déplore 21 morts et 1 280 sinistrés.
Le Quotidien/AFP