Un militaire américain se trouve probablement détenu par Pyongyang mercredi après avoir franchi la frontière entre les deux Corées, un incident qui risque d’envenimer encore davantage les relations entre Washington et Pyongyang.
Quelques heures après l’incident, la Corée du Nord a tiré deux missiles balistiques dans la mer de l’Est, également appelée mer du Japon, selon l’armée sud-coréenne.
Identifié par l’armée américaine, Travis King, soldat de deuxième classe engagé depuis 2021, a traversé « volontairement et sans autorisation » la frontière entre les deux pays, techniquement encore en état de guerre, à l’occasion d’une visite dans la zone démilitarisée (DMZ) séparant le Nord et le Sud, a déclaré le colonel Isaac Taylor, le porte-parole des forces américaines en Corée du Sud.
Un autre responsable américain, a confié, sous le couvert de l’anonymat, que ce militaire était présumé être détenu en Corée du Nord – ce qu’a confirmé le commandement de l’ONU.
Travis King venait juste de passer deux mois dans une prison sud-coréenne, a ensuite annoncé un responsable sud-coréen. Le soldat « a été libéré le 10 juillet après avoir purgé environ deux mois dans une prison sud-coréenne sur des accusations d’agression », a-t-il précisé.
« Ha ha ha »
Selon les informations de la chaîne de télévision CBS citant des responsables américains, il devait être ramené aux États-Unis pour des raisons disciplinaires mais a réussi à quitter l’aéroport et à se joindre à un groupe de visiteurs de la DMZ. « Nous pensons qu’il est actuellement détenu en RPDC (Corée du Nord) et travaillons avec nos homologues de l’Armée populaire nord-coréenne pour régler cet incident », avait auparavant souligné le commandement des Nations unies.
« Nous surveillons de près la situation et enquêtons », a pour sa part dit aux journalistes le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin. Le ministère sud-coréen de la Défense s’est refusé à tout commentaire.
« Cet homme a émis un fort ‘ha ha ha’ et couru entre des bâtiments » après la visite par le groupe dont il faisait partie d’un des bâtiments du site, a raconté à CBS News un témoin de la scène. « Au début, je pensais que c’était une mauvaise blague mais quand il n’est pas revenu, j’ai réalisé que ce n’était pas une blague, puis tout le monde a réagi et ce fut la folie », a-t-il encore dit.
Des centaines de touristes
Des centaines de touristes se rendent chaque jour, dans le cadre de voyages organisés, à l’intérieur de la « zone de sécurité commune » (JSA), située au sein de la DMZ qui sépare les deux Corées depuis près de 70 ans.
La guerre de Corée (1950-1953) s’étant terminée sur un armistice, et non par un accord de paix, les deux voisins sont encore, techniquement, en état de guerre.
L’ancien président américain Donald Trump avait rencontré le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en 2019 dans le village frontalier de Panmunjom et avait même foulé le sol nord-coréen en traversant la ligne de démarcation.
« Panmunjom est le site que cet Américain a le plus probablement choisi de traverser en Corée du Nord car c’est le seul endroit possible de fuite au cours de la visite de la zone de sécurité commune », a dit Choi Gi-il, professeur d’études militaires à l’université de Sangji.
La Corée du Nord a fermé ses frontières au début de la pandémie de Covid-19 en 2020 et ne les a pas encore rouvertes. Sa présence sécuritaire de son côté de la frontière a été considérablement réduite.
Lorsque l’AFP s’est rendue dans la « zone de sécurité commune » plus tôt cette année, aucun garde nord-coréen n’y était visible. Mais même dans cette configuration, en vertu des protocoles d’armistice, aucun membre du personnel sud-coréen ou américain ne peut traverser la frontière pour récupérer le ressortissant américain.
« Premier contact depuis le covid »
Steve Tharp, un lieutenant-colonel à la retraite de l’armée américaine qui travaillait dans cette zone, a reconnu auprès du site web spécialisé basé à Séoul NK News qu’il n’avait aucune idée de la façon dont les Nord-Coréens réagiraient à cet incident : il y a « si peu de données disponibles » sur des événements comme celui-ci, a-t-il souligné. « C’est le premier contact depuis le covid (…). Nous ne savons pas ce qu’ils pensent », a-t-il déclaré à NK News.
L’affaire survient à un moment où les relations diplomatiques entre les deux Corées sont au point mort. Kim Jong-un a appelé à développer les armements au Nord, notamment des armes nucléaires tactiques.
La Corée du Sud et les États-Unis ont accru leur coopération militaire en réponse aux tests de missiles nord-coréens, avec en particulier des manœuvres communes impliquant des avions de chasse de dernière génération et des forces stratégiques.
Les deux pays ont organisé mardi la première réunion du Groupe consultatif sur le nucléaire à Séoul et ont annoncé qu’un sous-marin nucléaire américain faisait escale à Busan, dans la partie méridionale de la Corée du Sud, pour la première fois depuis 1981.
En 1976, deux soldats américains ont été tués dans la « zone de sécurité commune » par des Nord-Coréens armés de haches au cours d’une dispute à propos d’un arbre.