Le cyclone Amphan, le plus puissant depuis le début du siècle dans le golfe du Bengale, a touché terre mercredi dans l’est de l’Inde, provoquant des pluies torrentielles et rafales jusqu’à 190 km/h sur une région où trois millions de personnes ont été évacuées.
Amphan (se prononce « um-pun ») a atterri vers 18 h locales (14 h 30 au Luxembourg) à une centaine de kilomètres au sud de la grande ville indienne de Calcutta et devrait ensuite se déplacer vers le Bangladesh.
« L’œil se trouve au-dessus de l’île de Sagar », dans l’estuaire du fleuve Hoogly, a déclaré Sanjib Banerjee, directeur du centre météorologique régional. Les météorologues redoutent une potentielle onde de tempête (raz-de-marée) qui pourrait aller jusqu’à cinq mètres de haut. Au moins trois décès ont été enregistrés à ce stade, un au Bangladesh et deux en Inde.
À Calcutta, « les gens hurlent lorsque les rafales traversent la ville en secouant les portes et fenêtres », a décrit Sriparna Bose, une professeur d’université de 60 ans. « Je n’ai jamais vu une telle situation dans ma vie. »
De larges parties de la capitale de l’État du Bengale occidental sont plongées dans le noir, l’électricité ayant été coupée préventivement pour éviter les accidents. Les vents arrachent des arbres, abattent des poteaux électriques. L’eau ruisselle et déborde de toutes parts.
Le Bangladesh a mis à l’abri 2,4 millions de personnes habitant dans des zones côtières. Dans l’est de l’Inde, plus de 650 000 personnes ont été évacuées au Bengale occidental et dans la région voisine d’Odisha. Malgré la perte de puissance du cyclone à mesure qu’il approchait des côtes, les autorités indiennes et bangladaises s’attendent à d’immenses dégâts matériels.
Dans les villages côtiers d’Inde, la violence d’Amphan donne déjà à voir des scènes de dévastation. Des centaines de maisons de terre ont été mises à bas, leur toit arraché : « on dirait qu’un bulldozer leur est passé dessus. Tout est détruit », a témoigné Babul Mondal, un habitant de Jharkhali dans la région des Sundarbans, au sud de Calcutta.
Près de la station balnéaire indienne de Digha, des bateaux ont été projetés sur la plage, a rapporté le propriétaire d’un hôtel local. Délaissant leur foyer, leurs biens et parfois leur bétail, les évacués s’entassent par centaines dans des abris, inquiets tout autant du cyclone que des risques d’être contaminés par le nouveau coronavirus dans ces espaces clos.
Des confinements nationaux sont en place en Inde et au Bangladesh depuis fin mars. « La pièce est bondée et maintenir la distanciation physique est impossible ici. Tout dépend de Dieu maintenant. Seul Dieu peut nous sauver », a déclaré Rumki Khatun, une femme de 25 ans réfugiée avec son fils de cinq mois dans une école de la ville bangladaise de Dacope. Malgré les recommandations officielles de mettre un masque dans les abris, de nombreux déplacés n’en portent pas en se parlant.
Le coronavirus complique la situation
Apparu ce week-end en mer, Amphan avait atteint lundi la catégorie 4 sur 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, avec des vents entre 200 et 240 km/h. Il s’agit du cyclone le plus puissant à naître dans le golfe du Bengale depuis 1999, date à laquelle un cyclone avait tué 10 000 personnes dans l’Odisha.
Les pays de la région ont retenu les leçons des cyclones dévastateurs des décennies précédentes : ils ont construit des milliers d’abris pour la population et développé des politiques d’évacuation rapide. Leur tâche est cependant compliquée cette fois-ci par la pandémie de coronavirus, les déplacements de populations risquant d’en favoriser la propagation.
Le Bangladesh a ouvert près de 15 000 abris anticyclone, soit le triple du nombre habituel, pour que ceux-ci soient moins chargés. Par peur d’attraper le Covid-19, une partie des habitants de zones à risques a choisi de rester à la maison, en dépit du danger. « Nous avons entendu que l’abri anticyclone près du commissariat de police était plein à craquer. Il n’y a plus de place là-bas. Mes voisins et ma famille n’y sont pas allés par peur du coronavirus », a relaté Sulata Munda, une villageoise du district bangladais de Shymanagar, qui fait partie de ces récalcitrants.
Si l’intensité des cyclones s’est accentuée ces dernières années dans le golfe du Bengale, un phénomène partiellement attribué au changement climatique, les bilans humains sont généralement bien moindres que par le passé grâce à un système de surveillance plus développé et à des mesures préventives bien rodées.
AFP/LQ
Les cyclones, la plus violente manifestation des dépressions tropicales, également appelés typhons dans l’océan Indien et le Pacifique Sud ou ouragans dans les Caraïbes, sont des phénomènes tourbillonnaires à pression centrale basse. Ils s’étendent sur un rayon de plusieurs centaines de kilomètres autour de « l’œil », relativement calme, de 10 à 100 km de largeur. Selon l’échelle de Saffir-Simpson utilisée dans l’Atlantique Nord, un cyclone se caractérise par des vents supérieurs à 118 km/h. En-deçà, il s’agit d’une tempête tropicale.
L’intensité croissante des cyclones relevée ces dernières années dans plusieurs régions du monde est partiellement attribuée au changement climatique. Les modèles informatiques simulant le climat font état d’un renforcement de l’intensité des cyclones (vents et pluies) et d’une possible baisse de leur fréquence au niveau du globe à l’avenir.
Outre les dégâts causés par la violence des vents, les cyclones peuvent provoquer des inondations catastrophiques et potentiellement très meurtrières lorsqu’ils touchent terre. Le cyclone génère une longue houle qui le précède, parfois jusqu’à 1 000 km en avant, ce qui produit une surélévation du niveau de la mer. Il peut faire déferler des murs d’eau de mer hauts de plusieurs mètres sur les zones côtières, appelés « ondes de tempête ». Ces dernières sont susceptibles de pénétrer sur plusieurs dizaines kilomètres à l’intérieur des terres, d’emporter les habitations et de rendre les infrastructures inutilisables. Elles sont le produit de plusieurs facteurs, dont l’intensité du cyclone, sa vitesse de progression, sa taille et son angle d’approche de la côte. La topographie joue également un rôle, particulièrement dans les baies et les estuaires.