Plusieurs centaines de milliers de personnes ont défilé lundi matin dans toute la France pour un 1er mai à la fois « festif » et « combatif », l’intersyndicale entendant montrer qu’elle n’abandonne pas sa lutte contre la réforme des retraites, même si les stratégies pourraient rapidement diverger sur la suite du mouvement.
« Ce 1er mai est un des plus forts du mouvement social », a salué la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet tandis que son homologue de la CFDT Laurent Berger vantait « une très grosse mobilisation ».
Mais s’ils étaient au-delà d’un 1er mai classique, les premiers chiffres semblaient montrer que ce ne serait pas le « raz de marée » espéré par les syndicats.
Selon la police, on comptait 8 700 manifestants à Strasbourg (15 000 selon les syndicats), 7 300 à Lille (15 000), 11 000 à Marseille (130 000), 13 500 à Toulouse (100 000) et 14 000 à Clermont-Ferrand (25 000). Les autorités tablent sur 500 à 650 000 personnes sur tout le territoire, dont 80 à 100 000 à Paris.
Dans les cortèges, les manifestants se disaient toujours déterminés à obtenir le retrait de la réforme, à l’instar de Céline Bertoni, 37 ans, professeure de sciences économiques à Clermont, six jours de grève au compteur.
« La loi est passée, mais n’a pas été pas digérée, il y a une volonté de montrer un mécontentement pacifiquement pour avoir une réaction en face qui atteigne un niveau de décence. J’espère toujours qu’on va nous dire on retire », a-t-elle expliqué.
« Macron a l’impression que comme il a été élu il a tous les pouvoirs, mais je veux qu’il redonne sa place au peuple », a renchéri Karine Catteau, formatrice de 45 ans, à Rennes.
Cette fête des travailleurs « se déroule dans l’unité syndicale et rien que ça, c’est historique », s’est réjoui le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot.
Le dernier défilé unitaire avec les huit principaux syndicats remonte à 2009, face à la crise financière (la CGT avait compté près de 1,2 million de manifestants, la police 456 000). En 2002 (900 000 à 1,3 million de personnes), les syndicats avaient aussi fait bloc pour « faire barrage » à Jean-Marie Le Pen.
Dans la capitale, le cortège s’élancera à 14h de la place de la République vers la Nation, avec la présence de syndicalistes du monde entier. Les autorités attendent aussi 1 500 à 3 000 « gilets jaunes » et 1.000 à 2.000 individus « à risque ». 12 000 policiers et gendarmes seront mobilisés, dont 5 000 à Paris.
Saisi par des organisations de défense des libertés fondamentales ainsi que des syndicats d’avocats et de magistrats, le tribunal administratif de Paris a validé lundi sans restriction un arrêté de la préfecture de police de Paris permettant l’usage de drones par la police lors de la manifestation du 1er-Mai dans la capitale.
« Pas un gravier entre nous »
Ce 1er mai, qui fait figure de 13e journée de mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites, intervient pourtant après la validation de l’essentiel du texte par le Conseil constitutionnel et sa promulgation dans la foulée.
Les syndicats tournent leurs regards vers deux nouvelle dates: le 3 mai, lorsque les « Sages » se prononceront sur une deuxième demande de référendum d’initiative partagée (RIP), et le 8 juin, lorsqu’une proposition de loi du groupe des députés Liot abrogeant la réforme sera au menu de l’Assemblée.
La gauche est aussi présente dans les cortèges. « Comme près de 70% des Français, les forces politiques de la Nupes ne passeront pas à autre chose. Le retrait de cette réforme est plus que jamais notre objectif », a promis LFI dans un communiqué.
Si dans la rue comme dans les sondages la colère reste vive, au gouvernement certains veulent croire « qu’on a passé le plus gros en termes de contestation » et que ce 1er mai « peut être le baroud d’honneur de l’interprofessionnel ».
Emmanuel Macron s’est donné le 17 avril « 100 jours d’apaisement » et « d’action » pour relancer son quinquennat. Elisabeth Borne va envoyer des invitations aux syndicats « dans les jours qui viennent », selon le ministre du Travail, Olivier Dussopt, lundi sur BFM-TV.
« On entre dans une nouvelle phase marquée par la nécessité de cicatrisation et de réconciliation », a plaidé le président du MoDem, François Bayrou, sur LCI.
Au sein de l’intersyndicale, des divergences commencent à pointer, même si Frédéric Souillot assure « qu’il n’y a pas un gravier entre nous ».
D’ores et déjà, Laurent Berger a annoncé que la CFDT « irait discuter » avec la Première ministre si elle y était invitée, tandis que Sophie Binet a rappelé que l’intersyndicale avait prévu de prendre la décision « ensemble » mardi matin.
« On ne peut pas indéfiniment sécher les réunions à Matignon. Il faut un rapport de force rénové. Ce n’est pas du tout un baroud d’honneur, c’est au contraire l’écriture d’un nouveau chapitre », a plaidé François Hommeril (CFE-CGC).