Une attaque sur un barrage dans le Sud de l’Ukraine, dont Moscou et Kiev se rejettent la responsabilité, a provoqué mardi des inondations dans les zones alentour et des inquiétudes pour la centrale nucléaire de Zaporijjia.
Le barrage hydroélectrique de Kakhovka, dans la région de Kherson est situé le long du Dniepr à 150 km de la centrale dont il assure le refroidissement dans la région voisine de Zaporijjia également partiellement occupée par les forces russes
La Russie devra rendre des comptes pour ce « crime de guerre » que constitue la destruction d’une infrastructure civile, a affirmé le chef du Conseil européen Charles Michel.
Il n’y a « pas de danger nucléaire immédiat », a assuré l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), soulignant que ses experts à la centrale de Zaporijjia surveillaient la situation.
Selon Kiev, le danger de catastrophe nucléaire à la centrale « augmente rapidement ». La société ukrainienne exploitante, Ukrgidroenergo, a estimé elle que le réservoir du barrage « devrait être opérationnel durant les quatre prochains jours » mais son niveau décroît rapidement, menaçant le fonctionnement du système de sécurité de la centrale.
Selon Moscou, la centrale, située sur les rives du Dniepr mais plus haut que le barrage attaqué, n’est pas menacée.
« Pas de menace »
Le directeur de la centrale, Iouri Tchernitchouk, installé par l’occupation russe, a assuré sur Telegram qu' »à l’heure actuelle il n’y a pas de menace » pour la sécurité de l’installation. « Cinq blocs sont arrêtés à froid, l’un est à +l’arrêt à chaud+. Le niveau de l’eau du bassin de refroidissement n’a pas changé », selon lui.
L’Ukraine a accusé la Russie d’avoir « fait sauter » le barrage pour « freiner » son offensive.
« L’objectif des terroristes est évident: créer des obstacles pour les actions offensives des forces armées » ukrainiennes, a affirmé Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne, dans un message adressé à des journalistes.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui convoqué d’urgence son conseil de sécurité, et le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, a dénoncé un « crime de guerre » de Moscou.
Le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal a de son côté appelé le monde à « réagir » et estimé que « la Russie doit se retirer immédiatement de la centrale nucléaire (de Zaporijjia) pour éviter une nouvelle catastrophe ».
Selon lui, jusqu’à 80 localités sont menacées par l’inondation et « des mesures d’évacuation sont en cours » par train vers Mykolaiv. A 09H00 GMT, 742 personnes avaient été évacuées de la région de Kherson, selon le ministre de l’Intérieur Igor Klymenko.
Pour leur part, les autorités locales installées par Moscou ont incriminé « de multiples frappes » ukrainiennes sur le barrage, selon elles partiellement détruit.
Inondation
« Selon les services de secours, l’eau est montée (…) à un niveau d’entre 2 et 4 mètres ce qui ne menace pas les grandes localités » en contrebas, a déclaré sur Telegram Andreï Alekseïenko, chef du gouvernement de la région de Kherson.
Au total, les « territoires côtiers » de 14 localités où résident « plus de 22.000 personnes » sont menacés d’une inondation, a-t-il précisé, assurant: « la situation est entièrement sous contrôle ».
« Le barrage n’est pas détruit et c’est un bonheur immense », a pour sa part assuré le maire de Nova Kakhovka, Vladimir Leontiev. Il a annoncé l’évacuation des habitants d' »environ 300 maisons » situées directement sur les rives du Dniepr.
Le barrage de Kakhovka, pris dès le début de l’offensive russe en Ukraine, permet notamment d’alimenter en eau la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par Moscou.
Aménagé sur le fleuve Dniepr dans les années 1950, pendant la période soviétique, l’ouvrage est construit en partie en béton et en terre.
Il s’agit de l’une des plus grandes infrastructures de ce type en Ukraine.
L’état-major de l’armée de l’air ukrainienne a pour sa part annoncé que, dans la nuit de lundi à mardi, les forces aériennes du pays ont intercepté l’intégralité des 35 missiles de croisière qui ont visé l’Ukraine depuis la mer Caspienne.
La destruction du barrage de Kakhovka intervient au lendemain de l’affirmation par l’Ukraine qu’elle avait gagné du terrain près de la ville ravagée de Bakhmout (Est), tout en relativisant l’ampleur des « actions offensives » menées ailleurs sur le front, la Russie affirmant au contraire repousser ces attaques d’envergure.
Ces opérations ont lieu à un moment où les autorités ukrainiennes disent préparer depuis des mois une vaste contre-offensive destinée à obliger les troupes russes à se retirer des zones qu’elles occupent.