Un cessez-le-feu unilatéral russe de trois jours doit entrer en vigueur jeudi matin autour de l’aciérie de Marioupol, dernier bastion de résistance ukrainienne dans cette ville portuaire stratégique, mais les combats continuent dans le reste de l’Ukraine.
« Les forces armées russes vont ouvrir un couloir humanitaire de 08h à 18h heure de Moscou les 5, 6 et 7 mai à partir du site de l’usine métallurgique Azovstal pour évacuer des civils », a indiqué mercredi soir le ministère de la Défense dans un communiqué.
« Sur cette période, les forces armées russes et les unités de la République populaire du Donetsk (unilatéralement proclamée par les séparatistes prorusses, NDLR) vont cesser le feu et les hostilités unilatéralement », a-t-il poursuivi, assurant que les civils ayant trouvé refuge dans l’usine seraient autorisés à rejoindre la Russie ou les territoires contrôlés par Kiev.
L’état-major ukrainien a fait savoir dans son point quotidien vers 04h jeudi que « les envahisseurs russes concentrent leurs efforts à bloquer et à essayer de détruire nos unités dans la zone d’Azovstal. Avec le soutien de l’aviation, l’ennemi a repris l’offensive pour prendre le contrôle de l’usine ».
La prise de Marioupol serait une victoire importante pour les Russes, car elle leur permettrait de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d’Azov en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par leurs partisans, à la Crimée que Moscou a annexée en 2014.
Des centaines de personnes – combattants ukrainiens et civils – vivent depuis l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février dans des galeries souterraines datant de la Seconde Guerre mondiale courant sous le site d’Azovstal copieusement bombardé par les forces russes.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a indiqué dans son message vidéo quotidien que 344 personnes avaient été évacuées mercredi de Marioupol et de ses environs vers Zaprorijjia, ville sous contrôle ukrainien située à quelque 230 km de là.
« Il y a encore des civils. Des femmes, des enfants », a-t-il affirmé. L’ONU a participé dimanche à l’organisation de l’évacuation d’une centaine de civils piégés à Azovstal.
« Il y a eu un moment où nous avions perdu espoir, nous pensions que tout le monde nous avait oubliés », a témoigné l’une des évacuées, Anna Zaïtseva, avec dans les bras son bébé de six mois, Sviatoslav.
M. Zelensky a appelé mercredi lors d’un entretien téléphonique le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres à aider à « sauver » les blessés se trouvant dans ces installations en ruines.
Une réunion du Conseil de sécurité consacrée à l’Ukraine est prévue jeudi soir à New York.
Embargo sur l’or noir
De son côté, la Commission européenne a proposé mercredi un embargo progressif de l’Union européenne sur le pétrole importé de Russie.
Si les États membres de l’Union européenne donnent – à l’unanimité – leur feu vert, « nous renoncerons progressivement aux livraisons russes de pétrole brut dans les six mois et à celles de produits raffinés d’ici à la fin de l’année », a dit à Strasbourg la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.
D’après des responsables européens, le projet de la Commission prévoit une exemption temporaire pour la Hongrie et pour la Slovaquie, deux pays enclavés et totalement dépendants des livraisons par l’oléoduc « Droujba », qui pourront continuer leurs achats à la Russie en 2023. Budapest a toutefois refusé d’accepter ce projet en l’état, s’attirant les foudres du gouvernement ukrainien.
« Si un pays s’oppose à un embargo sur le pétrole russe, cela signifie une chose: ce pays est du côté des Russes et il partage la responsabilité pour tout ce qui est fait par la Russie en Ukraine », a accusé le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
Les cours du pétrole se sont envolés sous l’effet de ce projet d’embargo: le contrat de référence pour le prix du baril de Brent de la mer du Nord, avec échéance en juillet, a gagné 4,92% pour finir à 110,14 dollars, son plus haut niveau depuis deux semaines et demi. Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain pour livraison en juin, a pris 5,27%, à 107,81 dollars.
Frappes mortelles
Sur le terrain des opérations militaires, les forces russes ont continué mercredi leur offensive dans l’est, tout en frappant de nombreuses cibles dans l’ouest, de Lviv à la région montagneuse jusque-là préservée de Transcarpatie, non loin de la frontière hongroise.
Une frappe russe a fait deux morts et onze blessés, tous des civils, dans le village de Chandrygolove, a déploré le gouverneur de la région de Donetsk Pavlo Kyrylenko.
D’autres ont fait un mort et un blessé, un enfant, aux alentours de Kharkiv. Dans le sud, des explosions ont eu lieu à Mykolaïv, ont annoncé les autorités locales.
« Grâce au succès d’actions des défenseurs ukrainiens, l’ennemi a perdu le contrôle de plusieurs localités près des régions de Mykolaïv et Kherson », a indiqué jeudi l’état-major ukrainien jeudi matin.
Aux frontières nord de l’Ukraine, le Bélarus – un allié de Moscou – a entamé mercredi des manœuvres militaires « surprise » censées tester les capacités de réaction de son armée, a déclaré son ministère de la Défense.
Et Moscou a annoncé dans la soirée que son armée avait simulé des tirs de missiles à capacité nucléaire dans l’enclave russe de Kaliningrad située entre la Pologne et la Lituanie, deux pays membres de l’UE. Plus de 100 militaires ont participé à ces exercices.
Les unités de combat se sont également exercées à des « opérations dans des conditions de radiation et de contamination chimique », a indiqué le ministère russe de la Défense.
La Russie a placé ses forces nucléaires en état d’alerte peu après l’envoi de ses troupes en Ukraine le 24 février.
Nouvelles sanctions
Pour son sixième paquet de sanctions contre la Russie présenté mercredi, l’Union européenne a en outre proposé d’exclure trois banques russes supplémentaires – dont Sberbank, le plus gros établissement russe – du système financier international Swift.
Le président américain Joe Biden a déclaré de son côté mercredi qu’il discuterait cette semaine avec les autres pays du G7 de possibles sanctions « supplémentaires » contre Moscou.
La Commission européenne préconise par ailleurs de sanctionner le chef de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Kirill, qui a multiplié les sermons soutenant l’intervention militaire en Ukraine.
De Chisinau, la capitale moldave, le président du Conseil européen Charles Michel a annoncé que les Européens prévoyaient « cette année de considérablement accroître (leur) soutien à la Moldavie en livrant des équipements militaires supplémentaires à ses forces armées ».
Et ce quelques jours après des attaques dans le territoire séparatiste moldave prorusse de Transdniestrie et après des propos fin avril du général russe Roustam Minnekaïev selon lequel la prise du sud de l’Ukraine permettrait aux Russes d’avoir un accès direct à cette région.