Les rebelles pro-russes ont infligé, hier, un nouveau revers militaire aux autorités légitimes, forçant l’armée ukrainienne à abandonner Debaltseve, verrou stratégique, après des combats acharnés.
Des soldats ukrainiens se repliant sur Artemivsk, hier, après une humiliante défaite face aux rebelles. (Photo : AFP)
La zone contrôlée par les rebelles est maintenant homogène et fait la jonction entre les territoires séparatistes des régions de Lougansk et de Donetsk. La question qui se pose désormais : les rebelles vont-il s’arrêter là ou continuer de gagner du terrain plus à l’Ouest ou vers le Sud maritime et Marioupol ?
Devant l’évolution du rapport de forces, François Hollande, Angela Merkel, Petro Porochenko et Vladimir Poutine devaient se parler au cours d’une conférence téléphonique à quatre, hier dans la soirée, selon Paris.
Le président ukrainien, Petro Porochenko, a annoncé l’abandon de Debaltseve à l’aéroport de Kiev, avant de gagner le front à la rencontre des soldats ayant fui la ville. Il a assuré que l’évacuation avait été « planifiée et organisée » sur son ordre, des propos mis en doute par des soldats ukrainiens sortis de l’encerclement.
« On n’a entendu aucun ordre. On s’est seulement rendu compte qu’il y avait une retraite quand les blindés ont commencé à partir », a déclaré un soldat ukrainien à Artemivsk, ville située à 35 kilomètres de Debaltseve où les troupes ukrainiennes se sont repliées.
Des journalistes avaient vu des dizaines de blindés et de véhicules militaires, en provenance de Debaltseve, arriver à Artemivsk avec à leur bord des soldats pas rasés et visiblement épuisés. Selon Kiev, 2 459 soldats ont quitté Debaltseve hier.
L’offensive rebelle contre cette ville est intervenue malgré une nouvelle trêve arrachée la semaine dernière à Minsk entre les dirigeants allemand, français, russe et ukrainien. L’Occident a fermement dénoncé la prise de Debaltseve, qui risque de ruiner le fragile cessez-le-feu, mettant en cause Moscou. « La Russie et les séparatistes doivent immédiatement et pleinement mettre en œuvre les engagements pris à Minsk », a insisté la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.
La Russie est accusée par l’Ukraine, l’UE et les États-Unis d’armer les séparatistes et d’avoir déployé ses troupes en Ukraine, notamment pour superviser les opérations militaires, ce que Moscou dément.
À Riga, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a répété cette accusation. « Les troupes russes, l’artillerie, les unités de défense antiaérienne de même que les éléments de commandement et de contrôle sont toujours actifs en Ukraine », a-t-il précisé. Les rebelles ont appelé, hier, Kiev à respecter les accords de Minsk et même affirmé avoir commencé le retrait de leurs armes lourdes de la ligne de front.
> Les piques humiliantes de Vladimir Poutine
Un expert militaire russe a estimé que Moscou ne cherchait pas à prendre Debaltseve pour sa valeur stratégique mais pour affaiblir, voire renverser le président pro-occidental Porochenko, critiqué pour sa gestion de la guerre. Le pouvoir russe « cherche à humilier de façon spectaculaire l’armée ukrainienne », a écrit Pavel Felgengaouer dans une tribune.
Poutine annonçait déjà mardi la chute de Debaltseve, lançant des piques humiliantes. « Bien sûr que cela fait mal de perdre (…), surtout face à des mineurs ou des conducteurs de tracteurs », a-t-il déclaré à Budapest, appelant Kiev à ne pas empêcher les soldats ukrainiens de déposer leurs armes.
Le nombre de morts à Debaltseve fait débat. L’armée évoque 22 soldats tués et plus de 150 blessés « ces derniers jours », dont six morts lors de l’évacuation, mais certains médias ukrainiens faisaient état d’une quarantaine de morts. Le directeur de la morgue d’Artemivsk a indiqué avoir reçu, hier, 13 corps de soldats ukrainiens. Les médias russes ont affirmé qu’au moins 72 militaires ukrainiens s’étaient rendus aux rebelles. Kiev a confirmé la capture de soldats sans dévoiler leur nombre.
AFP