L’aide militaire occidentale à l’Ukraine, qui s’est essoufflée ces derniers mois, pourrait retrouver d’ici à la fin de 2024 ses niveaux de début et de mi-2023, grâce à l’enveloppe tout juste votée au Congrès américain, estime jeudi l’institut de recherche allemand Kiel Institute.
« Cependant, des incertitudes majeures planent sur ce qui se passera ensuite », prévient Christoph Trebesh, qui dirige l’équipe de l’institut chargée de suivre l’aide à l’Ukraine.
Plus de 112 milliards d’euros
Au 29 février, l’Union européenne, les pays de l’Otan et d’autres nations comme l’Australie et le Japon s’étaient engagés sur 112,05 milliards d’euros d’aide militaire à l’Ukraine, selon les données rendues publiques jeudi par le Kiel Institute, qui recense les armes promises et livrées à l’Ukraine depuis l’invasion russe le 24 février 2022.
L’UE et ses membres ont promis 52,4 milliards d’euros, les États-Unis 43,2 milliards. Mais les promesses européennes s’étalent sur plusieurs années, quand celles des Américains ont déjà toutes donné lieu à des livraisons ou bien leur montant a été alloué à des équipements, en particulier des armes, précis. Les Vingt-Sept n’ont livré ou alloué que 35,4 milliards d’euros d’aide militaire, moins que les États-Unis (43,1).
Les montants des livraisons effectuées ou les sommes allouées par l’Europe entière se rapprochent cependant, avec 41,5 milliards d’euros.
Par pays, les États-Unis sont suivis par l’Allemagne (10 milliards alloués sur 18,6 promis), le Royaume-Uni (5,3 milliards sur 9,2) et le Danemark (4,8 milliards sur 8,4).
« L’aide européenne dans les derniers mois n’a pas suffi à compenser le blocage américain, particulièrement en ce qui concerne les munitions et les obus d’artillerie », écrit le Kiel. « La nouvelle aide américaine votée au Congrès » est « donc cruciale mais pas encore incluse dans les chiffres ».
Aide votée aux États-Unis
Les États-Unis sont le principal soutien militaire de Kiev mais le Congrès n’avait pas approuvé de grande enveloppe pour son allié depuis près d’un an et demi – principalement en raison de querelles partisanes.
Après des mois de tractations, les parlementaires américains ont finalement voté un vaste plan d’assistance militaire et économique à l’Ukraine, d’un montant total de 61 milliards de dollars.
Les États-Unis vont envoyer du matériel militaire à l’Ukraine dans les « prochaines heures », a promis mercredi le président américain Joe Biden, après avoir promulgué la loi.
« Selon nos estimations initiales, la nouvelle enveloppe américaine comprend environ 23 milliards d’euros d’aide militaire à l’Ukraine », écrit le Kiel. « C’est un soutien bienvenu, mais ça ne change pas fondamentalement la donne et ne fournira qu’un répit ».
« Si les États-Unis n’approuvaient pas de nouveaux plans d’aide fin 2024 ou en 2025, l’Ukraine serait probablement de nouveau confrontée à un soutien insuffisant en 2025 », selon Christoph Trebesh.
Promesses européennes
Les dirigeants de l’UE s’étaient quant à eux mis d’accord début février pour fournir une nouvelle aide financière, de 50 milliards d’euros sur quatre ans (33 milliards de prêts et 17 milliards de dons), une enveloppe qui avait longtemps été bloquée par les réticences du Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Après le vote à la Chambre des Représentants américaine, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’UE, réunis le 22 avril à Luxembourg, ont assuré qu’ils continueraient à porter assistance à l’Ukraine, sans annoncer de mesures concrètes.
Fin mars, le président Volodymyr Zelensky avait de nouveau exhorté les alliés de l’Ukraine à « accélérer la livraison » d’avions de combat F-16 et à transférer des batteries de Patriot (système de défense antiaérienne) supplémentaires.
Les Pays-Bas sont l’un des Etats européens qui détiennent des systèmes Patriot, avec l’Allemagne, la Suède, la Pologne, la Grèce, l’Espagne et la Roumanie, selon un recensement établi de sources diplomatiques.
L’Allemagne est pour le moment le seul pays à avoir annoncé l’envoi d’une batterie supplémentaire de Patriot à l’Ukraine.
Des armes légères aux chars
Au début du conflit, face à la progression éclair des troupes russes, Kiev avait reçu dans l’urgence des dizaines de milliers d’armes légères. Puis, à partir d’avril, lorsque l’armée russe concentrait ses efforts sur le Donbass (est) et le sud, des armes capables de frapper derrière les lignes ennemies (obusiers, lance-roquettes multiples, hélicoptères de combat, drones).
Les alliés de l’Ukraine lui ont ensuite envoyé des systèmes de défense antimissiles, dont le Patriot américain, pour faire face aux frappes sur les infrastructures et les villes.
Début 2023, pour sortir de la guerre de tranchées qui s’installait dans l’est, les Ukrainiens ont obtenu des chars lourds modernes : Abrams américains (livrés depuis fin septembre), Challenger britanniques et surtout Leopard allemands, réputés être parmi les meilleurs du monde.
Alors que l’Ukraine entamait en juin une difficile contre-offensive, elle avait obtenu de ses alliés des missiles de longue portée : des Storm Shadow/Scalp (d’une portée de 250 km) fournis par la France et le Royaume-Uni à partir de mai, puis des missiles américains ATACMS (d’une portée de 165 km) utilisés pour la première fois par l’Ukraine en octobre.