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Ukraine : frappes russes sur Odessa, Kiev accuse Poutine de « cracher » à la face du monde


"Quelques personnes sont blessées", a affirmé le gouverneur de la région, Maksym Martchenko, sans préciser combien (Photo : AFP)

Des frappes russes ont touché samedi le port d’Odessa, a assuré l’Ukraine, accusant Vladimir Poutine d’avoir « craché au visage » de l’ONU et de la Turquie et de compromettre l’application de l’accord signé la veille sur la reprise des exportations des céréales bloquées par la guerre. Sans réagir directement, Moscou a nié toute implication dans ces frappes auprès d’Ankara.

« Le port d’Odessa, où les céréales sont traitées en vue d’être expédiées, a été bombardé. Nous avons abattu deux missiles et deux autres missiles ont touché le territoire du port, où, évidemment, il y a des céréales », a déclaré un porte-parole de l’armée de l’air ukrainienne.

« Quelques personnes sont blessées », a affirmé le gouverneur de la région, Maksym Martchenko, sans préciser combien et évoquant des « infrastructures portuaires endommagées ». Le grand port d’Odessa est crucial pour la reprise des exportations de céréales ukrainiennes.

« Un doute sérieux » sur l’engagement russe

Avec ces frappes, le chef de l’Etat russe a « craché au visage du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et du président turc Recep (Tayyip) Erdogan, qui ont déployé d’énormes efforts pour parvenir à cet accord », a commenté le ministère ukrainien des Affaires étrangères. Le président Volodymyr Zelensky a ensuite accusé Moscou de systématiquement violer ses engagements : « Cela ne prouve qu’une seule chose : peu importe ce que la Russie dit et promet, elle trouvera des moyens de ne pas l’appliquer ».

Antonio Guterres a quant à lui « condamné » sans équivoque » ces attaques, soulignant que « la mise en oeuvre intégrale » de l’accord « est impérative ».

« Frapper une cible cruciale pour l’exportation de céréales un jour après la signature des accords d’Istanbul est particulièrement répréhensible et démontre une fois de plus le mépris total de la Russie pour le droit international et les engagements », a de son côté jugé le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell.

« Cette attaque jette un doute sérieux sur la crédibilité de l’engagement de la Russie à l’égard de l’accord d’hier et sape le travail de l’ONU, de la Turquie et de l’Ukraine pour acheminer des denrées alimentaires essentielles vers les marchés mondiaux », a pour sa part dénoncé le secrétaire d’État américain Antony Blinken dans un communiqué.

Tandis que pour la cheffe de la diplomatie britannique, Liz Truss, « cela montre que l’on ne peut pas se fier à un mot de ce que dit » M. Poutine. La Russie a pourtant démenti auprès de la Turquie avoir la moindre responsabilité dans ces nouvelles violences : « Les Russes nous ont dit qu’ils n’avaient absolument rien à voir avec cette attaque et qu’ils examinaient la question de très près », a assuré le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar.

Frappes dans le centre, le sud et le nord-est

Le centre de l’Ukraine n’a pas été épargné non plus avec une reprise samedi des bombardements russes qui ont fait trois morts. Treize missiles de croisière tirés de la mer sont tombés près de la ville de Kropyvnytskyi, dans la région de Kirovograd (centre), a annoncé son gouverneur Andriy Raikovytch, précisant que des infrastructures ferroviaires et un aérodrome militaire avaient été pris pour cible.

Des tirs d’artillerie ont aussi visé Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, dans le nord-est, où une femme a été blessée, selon la présidence ukrainienne. Un homme a en outre été tué dans un bombardement dans la région de Soumy, au nord-ouest de Kharkiv.

Deux autres personnes, dont un adolescent, ont été blessées dans des frappes sur Mikolaïv, la plus grande cité sous contrôle ukrainien, près de Kherson, occupée par les Russes, et ailleurs sur le front sud. Toutefois, « l’armée ukrainienne, pas à pas, avance dans la région de Kherson », a affirmé dans la soirée le président Zelensky.

Avant l’annonce des tirs de missiles sur Odessa, l’Union africaine s’était « félicitée » samedi de l’accord sur les exportations de céréales, saluant un événement « bienvenu » pour le continent qui fait face à un risque accru de famine. L’accord doit permettre d’exporter 20 à 25 millions de tonnes de grains bloquées en Ukraine.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie – deux pays qui assurent notamment 30% des exportations mondiales de blé – a conduit à une flambée des cours des céréales et des huiles, frappant durement le continent africain très dépendant des deux belligérants pour son approvisionnement. Cela a aggravé la situation de pays déjà confrontés à une crise alimentaire, en particulier dans la Corne de l’Afrique (Kenya, Ethiopie, Somalie, Djibouti) qui connaît sa pire sécheresse en 40 ans.

« Responsabilité de l’ONU »

La signature de ce texte âprement négocié sous les auspices des Nations unies et d’Ankara a eu lieu à Istanbul. Les conditions sont réunies pour son application « dans les prochains jours », a assuré peu après le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou.

Washington qui soutient l’Ukraine, a fait peser sur Moscou la responsabilité du succès de l’opération. « Il revient maintenant à la Russie de concrètement mettre en oeuvre cet accord », a averti la diplomatie américaine. Dès vendredi soir, l’Ukraine s’était montrée circonspecte.

Il est désormais de « la responsabilité de l’ONU » de garantir le respect de l’accord, avait déclaré M. Zelensky, disant s’attendre à « des provocations, à des tentatives de discréditer les efforts ukrainiens et internationaux ». « L’accord correspond entièrement aux intérêts de l’Ukraine », s’était-il cependant félicité, ajoutant que les militaires ukrainiens continueraient de contrôler « à 100% tous les accès aux ports », dont la Russie exigeait initialement le déminage.

« Couloirs sécurisés »

La principale mesure est la mise en place de « couloirs sécurisés » afin de permettre la circulation en mer Noire des navires marchands, que Moscou et Kiev s’engagent à « ne pas attaquer », a expliqué un responsable des Nations unies. Il sera valable « 120 jours », le temps de sortir les millions de tonnes accumulées dans les silos d’Ukraine tandis qu’une nouvelle récolte approche.

Les négociateurs ont toutefois renoncé à nettoyer la mer Noire des mines – principalement posées par les Ukrainiens pour protéger leurs côtes.

Quant aux inspections des navires au départ et en direction de l’Ukraine, exigées par la Russie pour empêcher de les utiliser pour amener des armes, elles auront lieu dans les ports d’Istanbul.

Moscou a par ailleurs obtenu la garantie que les sanctions occidentales ne s’appliqueraient, ni directement ni indirectement, aux exportations d’engrais et de céréales russes.