Au moins 35 personnes ont été tuées dans une attaque de roquette vendredi sur une gare du Donbass, où les civils se pressent pour fuir cette région de l’est de l’Ukraine cible des forces russes, alors que des responsables européens sont attendus à Kiev.
La gare de Kramatorsk, « capitale » du Donbass sous contrôle ukrainien, a été la cible de roquettes et des journalistes de l’AFP ont vu au moins vingt corps sous des sacs plastique devant la gare, utilisée pour l’évacuation des populations civiles de la région. Les services de secours ont évoqué au moins 35 morts et 100 blessés.
Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l’Ukraine, la Russie a fait de la conquête du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses, son objectif prioritaire. Elle multiplie ses attaques dans le sud et l’est, les autorités ukrainiennes s’efforçant, elles, d’évacuer les civils.
Les évacuations par train, qui avaient été interrompues en raison de la destruction d’une partie de la voie ferrée, avaient repris dans la nuit de jeudi à vendredi, a indiqué le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, qui encourageait depuis plusieurs jours les habitants à partie pour ne pas « se condamner à la mort ».
« Trois trains d’évacuation transportant des habitants de la région de Lougansk et de Donetsk ont pu partir vers l’ouest. La voie a été réparée, », a-t-il précisé tôt vendredi, avant l’attaque sur la gare de Kramastorsk, « capitale » du Donbass sous contrôle ukrainien.
Cette nouvelle attaque devrait encore accentuer la pression sur la Russie, accusée de crimes de guerre, notamment à Boutcha.
Au lendemain de l’adoption d’un nouveau paquet de sanctions de l’UE contre Moscou, avec un embargo sur le charbon russe, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell ont annoncé être en route pour Kiev.
« Hâte d’être à Kiev », a écrit sur Twitter Ursula von der Leyen, accompagnant son message d’une photo d’elle avec M. Borrell et le Premier ministre slovaque, sur le quai d’une gare à côté d’un train aux couleurs de l’Ukraine. « Je vais à Kiev », a de son côté tweeté M. Borrell.
Les alentours de la capitale ukrainienne, dont s’est retirée l’armée russe, a été le théâtre d’atrocités dont l’Ukraine et ses alliés accusent les forces de Moscou, qui dément et évoque des « provocations » ukrainiennes.
C’est notamment le cas à Boutcha, à 30 km au nord-ouest de Kiev, bombardée puis occupée un mois par des soldats russes, et où des dizaines de cadavres vêtus en civil, dont certains les mains liées dans le dos, ont été découverts après leur départ.
Pillages
Jeudi des habitants y revenaient prudemment, comme Hanna Predko, 31 ans, qui avait fui la ville avec ses trois enfants, dès les premiers bombardements le 24 février. « Nous sommes très heureux que nos forces armées aient réussi à chasser ces salopards. Maintenant, tout le monde connaît cet endroit, avec malheureusement un prix énorme », s’exclame-t-elle.
Sa mère, Natalia Predko, 69 ans, l’accompagne. Les deux femmes se réjouissent d’avoir retrouvé sain et sauf leur père et mari, qui lui n’a jamais voulu partir.
Un policier retraité, Boris, 63 ans, qui habite la localité voisine de Vorzel, qui a également été occupée, raconte que quand les soldats russes se sont retirés de la région, « ils ont emporté tout ce qu’ils pouvaient avec eux. Ils ont tout pillé, leurs véhicules blindés débordaient d’affaires volées ».
Les autorités ukrainiennes assurent craindre la découverte d’autres massacres et le président Volodymyr Zelensky a estimé que la situation à Borodianka, près de Kiev, était « bien plus horrible » encore qu’à Boutcha.
« Il y a plus de victimes », a-t-il dit dans un message vidéo, alors que 26 corps y ont été extraits des décombres de deux immeubles d’habitation, selon la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova.
Sur le plan des opérations militaires, les forces russes se concentrent désormais sur la prise complète du Donbass, région industrielle et russophone en partie contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
Outre les zones au nord de Kiev, l’armée russe n’est plus présente dans la région de Soumy, frontalière de la Russie dans le nord-est, qui a été totalement « libérée », a annoncé vendredi le chef de l’administration régionale Dmytro Jivitsky.
« Libéré des Orcs »
« Le territoire de la région est libéré des Orcs », a annoncé Jivitsky sur Telegram, en utilisant le surnom, tiré du livre « Le Seigneur des anneaux », qui est fréquemment donné aux soldats russes en Ukraine. Il a ajouté toutefois que la zone n’était « pas sûre » et que des opérations de déminage étaient en cours.
Le ministère russe de la défense a indiqué de son côté vendredi que l’armée russe avait détruit avec des missiles de haute précision « des armements et équipements militaires dans les gares de Pokrovsk, Sloviansk et Barvinkove », dans le Donbass ou juste à côté.
« Un centre d’accueil et d’entrainement de mercenaires étrangers à Krasnosilka, au nord-est d’Odessa » a également été détruit par des missiles, selon le ministère. Le Conseil municipal d’Odessa avait fait état jeudi soir d’un attaque de missile sur des infrastructures.
Jeudi, des journalistes de l’AFP avaient assisté à l’évacuation de civils par bus de Severodonetsk, localité la plus à l’est tenue par les forces ukrainiennes, pilonnée par les troupes russes. « Ça tombe de partout.
Ce n’est plus possible », se lamentait Denis, un quadragénaire pâle comme un linge, le visage émacié, à qui on donnerait la soixantaine.
Un « grand nombre » de ces évacués sont déjà arrivés à Dnipro, ville industrielle d’un million d’habitants sur le Dniepr, le fleuve qui marque la limite des régions orientales du pays, selon le maire de cette localité.
« Insulte à l’humanité »
Suite à la vague d’indignation qui a suivi la diffusion des images de Boutcha notamment, la Russie a été suspendue jeudi par un vote du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Le président américain Joe Biden, qui avait fait adopter la veille un nouveau train de sanctions économiques « dévastatrices », a qualifié « d’insulte à l’humanité » les « indications de viols, de tortures, d’exécutions », assurant que « les mensonges de la Russie ne tiennent pas face aux preuves incontestables de ce qui se passe en Ukraine ».
Les pays du G7 ont emboîté le pas des sanctions, avec notamment une interdiction de tout nouvel investissement dans des secteurs clefs de la Russie.
Et l’Union européenne a elle aussi adopté un nouveau train de mesures punitives, notamment un embargo sur le charbon russe. C’est la toute première fois que les Européens frappent le secteur énergétique russe, dont ils sont très dépendants.
L’UE importe 45% de son charbon de Russie pour une valeur de 4 milliards d’euros par an. Cet embargo entrera en vigueur début août. Le Japon a également annoncé qu’il allait interdire l’importation de charbon russe.
Bruxelles prévoit l’interdiction d’exportations vers la Russie à hauteur de 10 milliards d’euros, de nouvelles sanctions contre des banques russes ainsi que la fermeture des ports européens aux navires russes.
Parallèlement, l’UE est prête à débloquer 500 millions d’euros de plus pour financer des armes pour l’Ukraine. Kiev réclame la fourniture « immédiate » d’armes, avant qu’il ne soit trop tard pour faire face à une nouvelle offensive russe dans l’Est.
L’Otan a promis jeudi par la voix de son secrétaire général, Jens Stoltenberg, un « soutien significatif ».
De nombreux observateurs estiment que le président russe Vladimir Poutine veut à tout prix une prise du Donbass avant la parade militaire du 9 mai marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale, célébration la plus importante en Russie.