Les Etats-Unis ont laissé le couple franco-allemand seul sur la scène diplomatique arracher un accord sur l’Ukraine avec la Russie, mais Washington a soutenu en coulisses ses alliés européens et maintient la pression sur Moscou en cas d’échec du cessez-le-feu.
L’hyperactive diplomatie américaine s’est tenue pour une fois complètement à l’écart du sommet de Minsk entre la chancelière allemande Angela Merkel, les présidents français François Hollande, ukrainien Petro Porochenko et russe Vladimir Poutine. (Photos : AFP)
Les Etats-Unis n’ont même pas envoyé d’observateur à la table des négociations.
Pour Judy Dempsey, de la fondation Carnegie Europe, le président Barack Obama, qui avait reçu lundi Angela Merkel, « lui a délégué » le dossier ukrainien. « Il ne voulait rien avoir à faire avec l’Ukraine et souhaitait d’une certaine manière la rayer de son agenda », pense l’analyste.
Une allégation balayée par des responsables américains qui vantent au contraire la coopération « étroite » entre Washington, Berlin et Paris pour l’élaboration du règlement pour l’est de l’Ukraine signé jeudi dans la capitale du Bélarus. « Tout au long de la nuit, les Européens nous ont tenus au courant et on a soutenu leurs efforts », défend un cadre de l’administration Obama. « Dire que nous avons été hors jeu renverrait une image déformée de la réalité », complète un autre.
Et le gouvernement américain a rappelé ses initiatives diplomatiques prises ces derniers jours qui lui auraient permis de rester dans la course aux cotés des alliés européens : appel de Barack Obama à Vladimir Poutine, entretien entre le vice-président Joe Biden et le président Porochenko à Munich, visite du secrétaire d’Etat John Kerry à Kiev et rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov.
> Coup de fouet à la diplomatie
Des observateurs estiment même que l’hypothèse d’une livraison d’armes « défensives » à l’Ukraine, évoquée ces jours-ci par Barack Obama, a donné un coup de fouet à la diplomatie.
D’après des responsables occidentaux, la crainte en Europe et en Russie d’une très grave escalade militaire du conflit aurait poussé le président Poutine à adresser à son homologue français et à la chancelière allemande un plan de paix de neuf pages rédigées en russe, juste avant le voyage à Kiev de John Kerry le 5 février. Cette visite de John Kerry dans la capitale ukrainienne a de fait été éclipsée par le voyage surprise d’Angela Merkel et de François Hollande à Kiev le même jour, avant que le couple franco-allemand se rende à Moscou.
Des experts trouvent d’ailleurs logique que les Européens aient repris en main le casse-tête ukrainien. « Il est normal que l’Europe soit en première ligne », estime Fiona Hill, directrice du centre Brookings sur les Etats-Unis et l’Europe. Car, rappelle-t-elle, « ce qui a déclenché le conflit, c’est bien l’explosion de la relation entre l’Ukraine, la Russie et l’UE à propos de l’accord d’association » avec l’Union européenne.
Depuis l’annexion de la Crimée en mars dernier et le conflit dans l’Est ukrainien, Washington n’a eu de cesse de dénoncer l’engagement militaire de la Russie, punie à coups de sanctions américaines et européennes. Du jamais vu entre les Occidentaux et Moscou depuis la fin de la Guerre froide. Et s’ils ont « salué » l’accord de Minsk, les Etats-Unis sont restés très prudents sur les chances d’une paix durable entre Kiev et les séparatistes pro-russes.
Washington a ainsi exigé « des actions et pas des mots » de la part des rebelles et de Moscou pour que le cessez-le-feu soit « maintenant suivi de mesures immédiates et concrètes ». En cas d’échec de Minsk, « si les transferts d’armes et d’équipements se poursuivent (…) cela nous contraindra, avec nos partenaires, à imposer un prix plus élevé » à Moscou, prévient un responsable américain.
AFP
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