Un assaillant qui déambule « en toute sérénité » sur une plage, kalachnikov en mains, et un agent de sécurité qui abandonne son arme à un civil : des témoins du carnage racontent le drame.
Amir Ben Hadj Hassine habite à deux pas de la plage de l’hôtel Riu Imperial Marhaba à Port El Kantaoui, à environ 140 km au sud de Tunis. Vendredi, lorsque le tireur, un étudiant tunisien selon les autorités, a dégainé son arme cachée dans un parasol et commencé à tirer sur les touristes, il s’est précipité sur place. « Entre le début des tirs jusqu’à ce qu’il soit mort, il s’est écoulé 40, 45 minutes », estime le jeune homme de 22 ans, encore choqué par l’image des corps sans vie sur la plage. Trente-huit personnes ont été tuées dans cette attaque.
Malek, 16 ans, dit avoir assisté à la scène depuis le début. « J’étais à la plage. J’ai vu le mec déposer son parasol sur le sable puis s’accroupir, dans la même position que quelqu’un qui creuse pour installer son parasol. Mais tout d’un coup, il a pris une kalachnikov et a commencé à tirer sur le sable, raconte l’adolescent. Tout le monde s’est levé pour voir ce qui se passait, puis on l’a vu tirer sur les touristes avec un grand sourire. On est parti en courant pour se cacher, alors que lui se dirigeait vers l’hôtel Imperial. »
Seif, 21 ans, se rappelle d’une scène « incroyable ». « Le type était très à l’aise, on aurait dit qu’il dansait ou qu’il écoutait de la musique en marchant ». « A un moment, on s’est trouvé très proche de lui, mais il n’a pas tiré sur nous. Il s’est contenté de nous dire ‘allez-vous-en, je ne suis pas venu pour vous' », poursuit-il. Plusieurs témoignages disent la même chose : le tireur a essentiellement visé les touristes. Sept Tunisiens ont cependant été blessés, selon le ministère de la Santé.
Après avoir tiré sur des personnes allongées sur des transats à la plage, le tireur, identifié par les autorités tunisiennes comme Seifeddine Rezgui, né en 1992 et étudiant à Kairouan (centre), s’est dirigé vers l’hôtel.
« Laisse-moi le tuer »
« J’ai vu le mec entrer tranquillement, en toute sérénité dans l’hôtel », se souvient Amir. A peu près à ce moment-là, « une vedette est venue depuis la mer, avec deux agents de sécurité à son bord, dont l’un était armé ». « Ils n’ont pas voulu descendre dans un premier temps » parce que le nombre d’assaillants était encore inconnu. « On a demandé à l’agent armé d’entrer dans l’hôtel, on le poussait mais il avait peur et n’a pas tiré », assure encore Amir. « Alors un animateur lui a pris son arme et a essayé de tirer de loin sur le terroriste. Mais l’arme n’a pas fonctionné ».
Seif a lui aussi assisté à cette scène. « L’animateur a pris l’arme du policier et a foncé vers l’hôtel pour tuer le tireur. Il a dit au policier ‘donne-moi ton arme, laisse-moi le tuer' ». Hassen, responsable des parachutes à l’hôtel Mouradi, sur la même plage, était sur place avec des clients au moment de l’attentat. Sa version diffère légèrement : il se rappelle avoir « vu l’agent de sécurité reculer en heurtant un parasol ». « Il est tombé et un citoyen a pris son arme » pour essayer de « tirer sur le terroriste ».
Quelques minutes plus tard, Amir a vu le terroriste revenir sur la plage et passer devant trois hôtels sans être inquiété. « J’étais choqué de ne pas voir la police alors que la région est encerclée par les postes de police et qu’il y a d’habitude des patrouilles régulières. […] Bien sûr qu’il y a un problème, car ils ne sont pas venus à temps », accuse-t-il.
Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Aroui, a refusé de commenter ces affirmations en arguant de l’enquête en cours, tout en tenant à dire que les renforts étaient arrivés « sept à huit minutes » après le début de l’attaque.
Le Quotidien/AFP