Le président américain a interdit mercredi aux réseaux américains de télécoms de se fournir en équipements auprès de sociétés étrangères jugées à risque, une mesure « d’urgence nationale » ciblant d’abord la Chine et l’opérateur Huawei.
En pleines tensions commerciales avec Pékin, Donald Trump a déclaré une « urgence nationale » pour prendre ce décret qui était attendu et vise notamment le géant chinois des télécoms Huawei, depuis longtemps dans le collimateur des autorités américaines.
Pékin ne s’y est d’ailleurs pas trompé et a mis jeudi Washington en garde contre « une atteinte » aux relations commerciales.
« Nous exhortons les États-Unis à mettre fin à leurs actions incorrectes (…) pour éviter de nuire davantage aux relations économiques et commerciales », a réagi lors d’une conférence de presse un porte-parole du ministère chinois du Commerce, Gao Feng.
Selon la Maison-Blanche, le décret est justifié par le fait que des « adversaires étrangers exploitent de façon croissante des vulnérabilités dans les services et les infrastructures technologiques de l’information et de la communication aux États-Unis ».
Pour Pékin, il s’agit au contraire d’une manœuvre déloyale faussant la concurrence.
Huawei a dénoncé des « restrictions déraisonnables qui empiéteront sur les droits » du groupe chinois.
Elles ne feront en outre que « cantonner les États-Unis à des alternatives inférieures et plus coûteuses » en matière de 5G, la cinquième génération de télécommunications mobiles, a averti l’entreprise, qui se présente comme « le leader sans rival de la 5G ».
Le décret présidentiel assure répondre aux « actes malveillants favorisés par internet, dont l’espionnage économique et industriel au détriment des États-Unis et de sa population ».
Il s’agit de la mesure la plus sévère prise par le gouvernement de Donald Trump contre le secteur technologique chinois en pleine expansion, en particulier dans les pays émergents d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.
L’enjeu technologique domine actuellement la rivalité commerciale entre Pékin et Washington.
Les deux premières économies mondiales s’affrontent par l’imposition mutuelle de droits de douane accrus depuis que Donald Trump a lancé les hostilités après avoir fait de la Chine une des cibles favorites de sa campagne présidentielle de 2016.
Omniprésence de Huawei
Interrogées sur l’éventualité de l’adoption à Washington d’un tel décret, les autorités à Pékin avaient préalablement dénoncé un abus de pouvoir visant selon elles à écarter les entreprises chinoises du libre jeu de la concurrence.
« Cela fait un certain temps que les États-Unis abusent de leur puissance pour jeter de façon délibérée le discrédit sur les entreprises chinoises et les refouler ainsi à tout prix, ce qui n’est ni juste, ni respectable », a commenté Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise.
Il a accusé Washington de recourir au « prétexte de la sécurité nationale » pour empêcher les entreprises chinoises d’investir et de prendre des parts de marché aux États-Unis.
Avec le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, en première ligne, les États-Unis mènent depuis plusieurs mois une charge contre Huawei, qu’ils soupçonnent d’espionnage pour le compte de Pékin. Le Pentagone a aussi multiplié les mises en garde.
Les États-Unis ont donc exclu la firme chinoise du déploiement de la 5G sur leur sol et tentent de convaincre leurs alliés occidentaux d’en faire autant en avertissant des multiples dangers d’espionnage dans un monde où la cinquième génération augmentera la foule d’objets connectés, des voitures aux caméras de sécurité.
Mercredi, le ministère américain du Commerce a enfoncé le clou en plaçant Huawei sur une liste d’entreprises suspectes auprès desquelles on ne peut commercer qu’après avoir obtenu un feu vert des autorités.
« Cela évitera que des technologies américaines ne soient utilisées par des entités étrangères à des fins qui nuiraient à la sécurité nationale des États-Unis ou à leurs intérêts de politique étrangère », a expliqué le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross.
L’an dernier, l’administration Trump avait failli causer la mort de l’entreprise chinoise ZTE en lui interdisant pendant plusieurs mois d’acheter des puces électroniques produites uniquement aux États-Unis.
L’arrestation en décembre de la directrice financière de Huawei à Vancouver (Canada), à la demande de la justice américaine, a envenimé les choses. Meng Wanzhou est soupçonnée d’avoir menti à plusieurs banques pour que Huawei puisse accéder au marché iranien entre 2009 et 2014, en violation des sanctions américaines. Elle risque une extradition vers les États-Unis.
L’arrestation de Meng Wanzhou a été suivie quelques jours plus tard par l’interpellation en Chine de deux ressortissants canadiens, une détention qualifiée « d’arbitraire » par Ottawa.
Ces deux Canadiens, accusés d’atteinte à la sécurité nationale, viennent d’être placés formellement en état d’arrestation, a rapporté jeudi le quotidien Globe and Mail.
AFP