En affaires comme en politique, Donald Trump a toujours aimé casser les codes et faire le show. Sur le dossier iranien, il s’en tient à la même méthode, mais les enjeux – militaires – sont autrement plus importants.
Qu’il négocie un gratte-ciel ou se lance dans un bras de fer avec la Chine sur ses pratiques commerciales, il a souvent des allures de joueur de poker, à la fois flamboyant et imprévisible. Comme il l’expliquait dans son livre « The Art of the Deal », publié en 1987, c’est le rôle qu’il préfère. « L’argent n’a jamais été une grande source de motivation pour moi, si ce n’est comme une façon de compter les points », écrivait-il. « Ce qui est véritablement excitant, c’est le jeu. » La différence – de taille – est qu’il a désormais entre les mains des drones et des avions de guerre dans une crise qui pourrait entraîner les Etats-Unis dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient. En ordonnant vendredi l’élimination, à Bagdad, du puissant général iranien Qassem Soleimani, chargé des opérations extérieures de la République islamique, il a une nouvelle fois imprimé sa marque. Chef de la Force Qods des Gardiens de la révolution, l’homme clé de l’influence iranienne au Moyen-Orient était, de longue date, l’un des ennemis désignés des Etats-Unis dans la région. Mais les deux prédécesseurs de M. Trump, Barack Obama et George W. Bush, avaient décidé de ne pas s’en prendre à lui, craignant qu’une telle opération se révèle contre-productive. Fidèle à son style, le milliardaire républicain a balayé d’un revers de manche ces inquiétudes. « Il aurait dû être tué il y a des années! », a-t-il tweeté peu après l’annonce de sa mort.
« Le général Qassem Soleimani a tué ou grièvement blessé des milliers d’Américains sur une longue période et prévoyait d’en tuer beaucoup d’autres (…) Mais il s’est fait prendre! » Donald Trump a justifié sa guerre commerciale de la même façon: pendant des décennies, a-t-il martelé, les occupants du Bureau ovale, démocrates comme républicains, ont fait preuve de faiblesse et de lâcheté face aux pratiques de Pékin. Avec la Corée du Nord, autre dossier épineux sur lequel butent les présidents américains depuis des années, il a également décidé d’innover. Au lieu de traiter le pays reclus comme un paria, il a rencontré son leader Kim Jong Un à plusieurs reprises et loué leur complicité, pariant sur sa capacité à débloquer la situation grâce à son sens du contact et son charisme. Dans les deux cas, les résultats ont été pour le moins mitigés. Si Washington et Pékin ont décrété une accalmie après des mois de bras de fer, de nombreuses interrogations subsistent sur les concessions réellement accordées par la Chine. Et les relations avec Pyongyang, qui n’a jamais renoncé à ses ambitions nucléaires, se sont de nouveau tendues.
« Le moment que nous redoutions tous est arrivé »
Avec le dossier iranien, la « doctrine Trump » pourrait s’appliquer pour la première fois à une crise avec un risque réel de guerre imminente. Les adversaires de l’ancien homme d’affaires de New York redoutent que son style ne conduise l’Amérique au désastre. « Le moment que nous redoutions tous est arrivé », a tweeté le sénateur démocrate Chris Murphy. « Un président instable complètement dépassé qui panique, dont tous les conseillers expérimentés ont démissionné, qui se retrouve avec des amateurs flagorneurs. Assassinat de dirigeants étrangers, annonces de projets de bombardements de civils. Un cauchemar. » Les partisans du président, à l’inverse, assurent que le style direct du président et ses politiques audacieuses sont exactement ce dont les Etats-Unis ont besoin aujourd’hui. « Cela aurait dû être fait depuis longtemps », estime Thomas Spoehr, un expert militaire du centre d’études conservateur Heritage foundation. « La réputation de l’Amérique dans des régions telles que le Moyen-Orient dépend de notre capacité à tenir tête. » Et de souligner, exemple du transfert de l’ambassade des Etats-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem à l’appui, que les catastrophes annoncées par nombre d’experts à chaque décision de Donald Trump en politique étrangères ne se sont pas matérialisées.
AFP
« Ne menacez jamais la nation iranienne », répond Rohani à Trump
Those who refer to the number 52 should also remember the number 290. #IR655
Never threaten the Iranian nation.— Hassan Rouhani (@HassanRouhani) January 6, 2020
« Ne menacez jamais la nation iranienne », a lancé mardi sur Twitter le président iranien Hassan Rohani en réponse aux déclarations martiales du président américain Donald Trump, qui a menacé samedi de viser 52 cibles iraniennes. « Ceux qui font référence au nombre 52 devraient également se souvenir du nombre 290. #IR655 », écrit M. Rohani dans une référence à la tragédie de l’Airbus du vol Iran Air 655, abattu en juillet 1988 par un navire américain au-dessus du Golfe et ayant coûté la vie à 290 personnes.