Courrier en retard, boîtes à lettres supprimées des rues… Donald Trump est accusé par ses opposants de tout faire pour détruire le service public postal américain, afin de rendre impossible un vote par correspondance qui pourrait selon lui favoriser son adversaire Joe Biden pour la présidentielle de novembre.
Le président américain « pense qu’un faible taux de participation lui sera favorable. Et il veut décourager les gens de voter par courrier parce qu’il pense que cela lui sera défavorable. C’est pathétique. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un président des États-Unis », a dénoncé le sénateur démocrate Bernie Sanders dimanche sur la chaîne ABC. « Nous sommes en pleine pandémie, Monsieur le président, et les gens ne doivent pas avoir à mettre leur vie en danger dans une file d’attente, tomber malade et peut-être mourir pour aller voter », a-t-il ajouté.
Le vote par courrier, utilisé depuis des années aux États-Unis, doit être plus largement déployé pour l’élection présidentielle du 3 novembre en raison de la pandémie de Covid-19. Mais Donald Trump s’y oppose, criant à la fraude annoncée. Et la campagne s’est cristallisée depuis quelques jours, autour de la poste américaine, l’USPS. Elle est dirigée depuis le printemps par Louis DeJoy, un proche de Donald Trump, qui est aussi l’un des grands donateurs de sa campagne. Celui-ci mène tambour battant des réformes censées ramener dans le vert les comptes de la poste, déficitaire depuis 2008.
Mais elles sont soupçonnées d’avoir en réalité pour but d’empêcher le vote par correspondance. Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté devant chez lui à Washington samedi matin. « Arrêtez d’écarter des électeurs », indiquait une pancarte brandie par l’une d’elles. Et les responsables démocrates au Congrès envisagent désormais de convoquer les élus en session extraordinaire à partir du 24 août, pour des auditions des responsables du dossier postal et pour voter une aide d’urgence.
Donald Trump a redit samedi à des journalistes que le vote par courrier serait une « catastrophe », assurant toutefois qu’il ne cherchait « pas du tout » à entraver la bonne marche de ce service public. Il a aussi défendu Louis DeJoy, un « homme fantastique ». « Nous avons vu que le vote par correspondance généralisé est un désastre », a pour sa part avancé dimanche sur ABC Jason Miller, conseiller de campagne du président. « Le président a déjà dit qu’il était disposé à donner plus d’argent » à l’USPS, a-t-il encore déclaré, reprochant aux démocrates d’être en vacances plutôt que de chercher à se mettre d’accord avec la Maison Blanche. « Tout cela est politique ».
« Du pur Trump »
L’opposition démocrate demande depuis plusieurs mois à renflouer ce service public bicentenaire, dont les camionnettes blanches et bleues arpentent les routes des États-Unis, porte coulissante ouverte. Donald Trump avait jusqu’à présent refuser de verser un centime, expliquant même clairement jeudi sur Fox News qu’il ne souhaitait pas renflouer l’USPS afin qu’elle ne soit « pas équipée » pour « un vote par courrier généralisé ».
Son concurrent pour la Maison Blanche Joe Biden l’avait alors raillé : « Du pur Trump. Il ne veut pas d’élection ». L’ancien président Barack Obama avait aussi réagi : « Nous n’avions jamais vu auparavant un président dire : je vais mettre à genoux le service postal (…) et je vais clairement dire pourquoi ». « On ne peut pas laisser Donald Trump détruire » l’USPS (United States Postal Service), avait dénoncé vendredi sur Twitter Kamala Harris, la colistière de Joe Biden.
Ce sont d’abord les fréquents retards de courrier dont se plaignent les Américains qui ont suscité des interrogations. Puis des machines, jugées obsolètes, ont été retirées des centres de tri. Et certaines villes ont vu leurs boîtes à lettres disparaître des rues, par mesure d’économies. L’USPS a surtout récemment prévenu la plupart des États américains, selon des informations du Washington Post, qu’elle ne pourrait pas acheminer en temps voulu des millions de bulletins de vote, qui ne pourront donc pas être pris en compte.
Si Donald Trump s’oppose au vote par correspondance, c’est, selon certains observateurs, pour préparer les esprits afin de pouvoir contester une éventuelle défaite. Il sait aussi que cela pourrait encourager le vote des électeurs afro-américains et hispaniques, plus abstentionnistes du fait de leur situation souvent plus précaire. L’élection ayant lieu en semaine, il est en effet nécessaire de quitter le travail pour aller voter. Il n’ignore pas non plus que les électeurs démocrates sont en général plus enclins à voter par courrier que ceux de son camp.
LQ/AFP