Donald Trump a annoncé jeudi le retrait américain du traité Ciel ouvert (Open Skies en anglais) qui permet de vérifier les mouvements militaires et les mesures de limitation des armements des pays signataires, accusant la Russie de le violer. Une décision regrettée par onze pays européens.
C’est le troisième accord international dont le président américain décide de retirer les États-Unis, après le traité sur le programme nucléaire iranien, dénoncé en 2018 et le traité INF sur les missiles terrestres de moyenne portée, abandonné en 2019. M. Trump n’a pas fermé la porte à une renégociation de ce traité signé par 34 pays et entré en vigueur en 2002. « Je pense que ce qui va se passer, c’est que nous allons nous retirer et ils vont revenir et demander à négocier un accord », a-t-il dit.
Le traité « Ciel ouvert » (« Open Skies ») dénoncé par les États-Unis a été conçu en 1992 pour « promouvoir la confiance et la prévisibilité » sur les activités militaires des pays signataires, grâce à des vols d’observation non armés au-dessus de leurs territoires. Il est entré en vigueur en janvier 2002. Il lie 35 pays, dont les États-Unis et la Russie, qui s’accusent mutuellement de le violer.
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a plaidé à plusieurs reprises pour la préservation de ce traité, menacé après la décision américaine de quitter le traité INF sur les missiles terrestres de moyenne portée conclu avec Moscou, a rappelé vendredi un diplomate de l’organisation. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a toutefois annoncé que la décision était désormais prise.
«La Russie a violé de manière flagrante le traité»
« La Russie a violé de manière flagrante et continue le traité de diverses manières pendant des années », a-t-il affirmé dans un communiqué, citant plusieurs exemples des contraventions reprochées à Moscou. « Il semble que Moscou utilise l’imagerie du régime « Ciel ouvert » pour soutenir une nouvelle doctrine russe agressive consistant à cibler les infrastructures critiques aux États-Unis et en Europe avec des munitions conventionnelles guidées avec précision », a-t-il ajouté. Selon Mike Pompeo, la Russie n’a pas respecté ses obligations en 2019 « en refusant un vol d’observation commun aux États-Unis et au Canada pendant un exercice militaire russe ». Le secrétaire d’État dénonce par ailleurs une restriction au-dessus de Kaliningrad, enclave militaire russe entre la Pologne et la Lituanie.
Le traité permet de mener des vols d’observation conjoints et non armés au-dessus des territoires et de prendre des images à l’aide de capteurs d’une résolution prédéfinie. Il permet également à tous les États parties de demander des images de survols effectués par d’autres. Il donne à chaque État partie « le droit de conduire et l’obligation d’accepter des vols d’observation au-dessus de son territoire ». « Sa particularité réside toutefois dans le fait que lors des survols, des représentants de l’État observateur et de l’État observé peuvent s’asseoir ensemble dans un même avion », soulignent Alexander Grief et Moritz Kütt, chercheurs de l’Institute for Peace Research and Security Policy de Hambourg (Allemagne), dans un rapport publié en avril.
L’avenir du traité en danger
« Un retrait américain mettrait en danger l’avenir du traité +Ciel ouvert+« , soutiennent-ils. « Il empêcherait la Russie et la Biélorussie (le Bélarus) d’effectuer des vols au-dessus du territoire américain. Mais les alliés européens perdraient des renseignements importants, puisque la plupart d’entre eux ne possèdent pas de satellites de reconnaissance. Par conséquent, un retrait n’affecterait pas seulement les États-Unis, mais aussi leurs alliés de l’OTAN et, en fin de compte, tous les autres Etats membres », expliquent-t-ils.
Une commission consultative (CCCO) est chargée de veiller au respect du traité. Elle se réunit chaque mois au siège de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne. Les 35 signataires sont l’Allemagne, le Belarus, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, le Canada, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Géorgie, la Grèce, la Hongrie, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Kirghizstan, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Russie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Turquie, l’Ukraine, et les États-Unis.
Le Luxembourg se joint à dix autres pays pour regretter la décision américaine
Les ministères des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Espagne, de la Finlande, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Portugal, de la République tchèque et de la Suède se sont joints pour «regrett(er) l’annonce du gouvernement des États-Unis de son intention de se retirer du Traité ciel ouvert», bien qu’ils partagent «ses préoccupations relatives à la mise en œuvre des dispositions du traité par la Russie».
Le texte se poursuit ainsi : «Le Traité ciel ouvert est un élément crucial du cadre de renforcement de la confiance qui a été créé au cours des décennies passées en vue d’accroître la transparence et la sécurité à travers la zone euro-atlantique. Nous continuerons à mettre en œuvre le Traité ciel ouvert qui a une valeur ajoutée évidente pour notre architecture de maîtrise des armements conventionnels et notre sécurité commune. Nous réaffirmons que ce traité demeure fonctionnel et utile. Le retrait devient effectif au terme d’un délai de six mois. S’agissant des questions sur la mise en œuvre du traité, nous continuerons à dialoguer avec la Russie comme cela a été précédemment décidé entre alliés de l’OTAN et d’autres partenaires européens afin de régler les questions en suspens telles que les restrictions indues imposées sur les vols au-dessus de Kaliningrad. Nous continuons à appeler la Russie à lever ces restrictions et poursuivons notre dialogue avec toutes les parties.»