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Thaïlande : le vainqueur des élections menacé de suspension, nouvelle vague d’incertitudes


Pita Limjaroenrat incarne le changement. (photo AFP)

Le candidat au poste de Premier ministre de la Thaïlande Pita Limjaroenrat, vainqueur des législatives en mai, risque une suspension de l’Assemblée nationale, recommandée ce mercredi par la commission électorale pour des soupçons d’irrégularités.

L’annonce plonge le royaume dans l’incertitude, à la veille du vote attendu par les députés et les sénateurs réunis pour désigner le prochain chef du gouvernement, fonction que seul Pita brigue pour le moment. La commission électorale a estimé qu’il y avait suffisamment d’éléments pour transmettre à la Cour constitutionnelle le dossier du député Move Forward, ce qui fait peser une menace de disqualification.

« La commission électorale (…) estime que le statut de Pita Limjaroenrat doit être considéré pour annulation et va soumettre la question à la Cour constitutionnelle pour une attention approfondie », a-t-elle annoncé dans un communiqué. Le président de la commission électorale thaïlandaise Ittiporn Boonprakong a confirmé que l’instance recommandait la suspension du député.

La Thaïlande espère un nouveau Premier ministre, après une quasi-décennie de domination militaire qui a vu les libertés fondamentales reculer et la croissance économique stagner. Les électeurs ont infligé en mai une défaite cinglante au camp conservateur, mais l’alternance réclamée risque de heurter le mur d’une Constitution favorable aux intérêts de l’armée qui l’a rédigée, au risque d’engendrer de nouvelles manifestations.

Le parti Move Forward a créé la surprise sur la base d’un programme de rupture qui fait écho aux revendications des protestations géantes de 2020 pour plus de démocratie.

Vote incertain 

La commission électorale enquête depuis début juin sur Pita Limjaroenrat au sujet d’actions qu’il possédait durant la campagne dans une chaîne de télévision, iTV, qui ne diffuse plus depuis 2007. Le code électoral thaïlandais interdit aux candidats de posséder des parts dans des médias d’information.

Le parlementaire âgé de 42 ans, qui risque la prison, la perte de son siège et l’inéligibilité durant 20 ans, se défend de toute manœuvre illégale. Il a expliqué avoir hérité des actions de son père. La Cour constitutionnelle doit désormais indiquer si elle accepte de se saisir du dossier.

La puissante instance est impliquée dans plusieurs des crises cycliques qui caractérisent la vie politique thaïlandaise, entre interférences de l’armée et de la justice dans le processus démocratique, et manifestations massives, parfois violentes.

Le résultat du vote de jeudi reste incertain, malgré le fait que Pita Limjaroenrat s’appuie sur une coalition majoritaire à la Chambre basse (312 députés sur 500).

Le candidat Move Forward a besoin du ralliement d’une soixantaine des 250 sénateurs pour accéder au pouvoir. Or une partie de la Chambre haute, dont les membres ont été nommés par les militaires, s’y refuse. Son projet controversé de réformer la loi réprimant sévèrement la lèse-majesté, a tracé une ligne rouge avec les sénateurs, gardiens autoproclamés des valeurs traditionnelles.

 « Voie normale » 

Depuis des semaines, politiciens et experts ont pris la calculatrice pour estimer ses chances d’obtenir les 376 voix nécessaires, qui semblent de plus en plus compromises.

Confronté à la perspective de perdre, Pita Limjaroenrat a plaidé mardi pour un retour à la normalité avec un gouvernement conforme à la volonté du peuple. « Le vote du 13 juillet n’est pas au sujet de Pita ou de Move Forward, mais c’est un vote pour s’assurer que la Thaïlande s’engage sur la voie normale de la démocratie », a-t-il assuré.

En cas d’échec jeudi, députés et sénateurs se réuniront autant de fois que nécessaire jusqu’à la nomination d’un Premier ministre, avec la possibilité que le consensus se fasse autour d’un autre candidat.

Télégénique, divorcé, passé par Harvard, Pita Limjaroenrat incarne le changement, aux antipodes du Premier ministre en instance de départ Prayut Chan-O-Cha (69 ans), un ancien général arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État en 2014.

Ce dernier a annoncé mardi la fin de sa carrière politique, dès lors qu’il y aura un nouveau chef du gouvernement.

Le programme de Move Forward comprend une nouvelle Constitution, la fin du service militaire obligatoire pour les hommes, l’ouverture de certains marchés et la légalisation du mariage pour tous.