Leurs armes posées sur un matelas pour cause de cessez-le-feu, deux rebelles syriens en treillis, Tarek Mehrem et son copain, affalés sur le divan d’une maison sur la ligne de front à Alep (nord), s’adonnent à des jeux vidéos.
Eux, qui vendredi encore avaient le doigt sur la gâchette et ne lâchaient jamais leur talkie-walkie, sirotent aujourd’hui leur tasse de café ou de thé en pressant les boutons de leur Playstation pour faire avancer deux équipes de football qui s’affrontent sur un écran de télévision. Avec l’arrêt des combats, les insurgés qui se trouvent dans l’ancienne capitale économique de Syrie, aujourd’hui divisée en deux, entre secteurs contrôlés par le régime et quartiers tenus par les rebelles, trouvent le temps de rendre visite à leur famille.
«Cela va mieux depuis quatre jours, avec l’arrêt des raids aériens sur la ville», assure Tarek Muhrem, âgé de 35 ans. Il commande de la brigade «Aurore des Martyrs» qui fait partie de la centaine d’organisations ayant ratifié l’accord de cessation des hostilités mis au point par les États-Unis et la Russie. Même s’ils restent sur le qui-vive au cas où le régime du président syrien Bachar al-Assad romprait le cessez-le-feu, beaucoup saisissent l’opportunité pour soigner leurs blessures ou jouissent tout simplement de l’arrêt des combats.
«Maintenant je passe le plus clair de mon temps à inspecter les positions pour m’assurer que les combattants disposent de ce dont ils ont besoin en termes de nourriture et de boissons», explique-t-il. «Nous buvons du café tard le soir et parfois nous jouons ensemble à la Playstation», dit-il en souriant. Les combattants d’«Aurore des Martyrs» sont installés dans un appartement du quartier en ruine de Karam al-Tourab.
Dans les rues, des draps blancs sont tendus pour protéger les derniers habitants du quartier des tireurs embusqués.
« Rejoignez nous pour une tasse »
En tenue militaire, d’autres combattants rebelles désœuvrés sont plongés dans Facebook ou discutent avec leur famille via WhatsApp. Ils sont assis dans un salon à la décoration assez kitch dans un quartier ravagé par les bombes au centre d’Alep. Abu Noura, 38 ans, commandant du groupe rebelle Jabhat Shamiyah, confie avoir lui même décoré la base durant ses moments libres.
«Les menaces posées par l’armée du régime sur la ligne de front ont nettement baissé. Avant le cessez-le-feu, nous nous affrontions au canon quasiment tous les jours. Maintenant, il y a moins de bombardements et il n’y a plus de raids sur la ville», explique-t-il. Toutefois Abou Noura soupçonne le régime de noirs desseins et confie que ses hommes sont plus vigilants qu’avant, même s’ils ont plus de temps libre. «Depuis le début de la trêve, je passe du temps à boire du thé et à parler à mes combattants. Le reste de la journée je vais chez moi et me consacre à mes quatre enfants», dit-il.
Même les soldats du régime ont posté sur Facebook des photos les montrant affalés sur des chaises en plastique en sirotant du thé. «Rejoignez nous pour boire, c’est notre première tasse», affirme la légende .
« Calme avant la tempête »
De taille moyenne et un peu dégarni, Abou Fajr, de la Division du nord, passe son temps libre à échanger avec ses copains des anecdotes sur les combats passés. D’autres, comme Ahmad Jalal, préfèrent jouer au football avec d’autres frères d’armes de la brigade. «Je pense que la guerre va durer mais j’espère qu’un jour elle se terminera afin que je puisse trouver un boulot régulier et me marier», dit-il. «Beaucoup de combattants ont laissé leurs armes dans des armureries pour qu’on les nettoie», affirme, en nettoyant un fusil à lunettes, Ouday, dirigeant d’un arsenal dans la ville.
Au marché du quartier rebelle de Ferdous, le combattant Oussama, 25 ans, porte des sacs de légumes pour sa femme. Il s’est marié voici deux mois mais n’est évidemment pas parti en lune de miel à cause des violents combats de ces dernières semaines. «Il y a quelques jours mon commandant m’a accordé une semaine de repos. confie-t-il. Maintenant, je passe la majorité du temps à la maison et j’ai le sentiment que la vie est redevenue normale mais au fond de moi j’ai bien peur qu’il s’agisse du calme avant la tempête».
Le Quotidien/AFP