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Syrie : quelles priorités pour le nouveau mandat d’Assad ?


Sans surprise, le "boucher de Damas" a été réélu pour un quatrième mandat. (photo AFP)

Avec un conflit quasiment à l’arrêt en Syrie mais une économie ruinée par dix ans de guerre, quelles sont les priorités du président Bachar al-Assad, cible de sanctions internationales et réélu mercredi lors d’un scrutin décrié par opposants et Occidentaux.

Quel message veut-il donner ?

Dans son édition de vendredi, le quotidien prorégime Al-Watan s’est félicité du score de 95,1% du président, meilleur que lors de la précédente présidentielle en 2014 (88%). Si la réélection de Bachar al-Assad n’a été une surprise pour personne, les images de foules en liesse dans plusieurs villes du pays diffusées par les médias publics ont néanmoins révélé l’importance attachée par Damas à la question de la légitimité interne et à cette élection, la deuxième depuis le déclenchement du conflit en 2011.

Sur les 18,1 millions d’électeurs en Syrie et à l’étranger, plus de 14,2 millions ont voté, selon les chiffres officiels, soit un taux de participation de 76,64%. Et plus de 13,5 millions d’entre eux ont donné leur voix à Assad.

Mais alors qu’en Syrie, le scrutin se déroulait dans les zones contrôlées par le régime, des millions de personnes déplacées ou réfugiées à l’étranger en raison du conflit n’ont pas pu voter.

A travers cette réélection, le message d’Assad « à la fois à l’opposition syrienne et aux pays étrangers opposés à lui », c’est que « leurs rêves de le renverser sont morts », estime Nicholas Heras, expert du Newlines Institute à Washington.

Ces dernières années, après s’être fait à l’idée que le président ne quitterait pas le pouvoir, la communauté internationale avait parié sur une issue politique au conflit, espérant que la structure du régime pourrait être changée.  Mais avec son « résultat implacable de 95,1% », cette élection, c’est aussi « l’enterrement des efforts diplomatiques internationaux visant à réformer la Syrie », estime Nicholas Heras.  Il s’agit également d’un « message majeur » de la Russie et l’Iran, alliés de Damas, « aux États-Unis et à leurs partenaires qu’il n’y a pas d’avenir pour la Syrie sans Assad », ajoute le chercheur.

Quelles priorités ?

Avec comme slogan électoral « L’espoir par le travail », dans un pays à l’économie en lambeaux et aux infrastructures ravagées par le conflit, Assad a assuré juste après sa victoire qu’il « débutait le travail » pour reconstruire la Syrie.
Selon Nicholas Heras, « durant la campagne électorale, l’accent a été mis sur son rôle d’homme ayant gagné la guerre, qui a de grandes idées pour la reconstruction et le seul capable d’instaurer l’ordre après le chaos » d’un conflit qui a fait plus de 388 000 morts et déplacé plus de la moitié de la population.

Or, les Occidentaux ne voulant pas donner de fonds pour la reconstruction sans une transition politique, Assad et ses alliés se tournent vers d’autres « donateurs potentiels ».  Et de miser sur un rapprochement avec les riches monarchies pétrolières du Golfe, dont certaines ont déjà rétabli des liens diplomatiques ou entrepris des contacts avec Damas, après des années de froid.

Avant l’élection, des responsables syriens ont d’ailleurs évoqué un « changement majeur » à venir dans les relations avec les États du Golfe.  A la radio, la conseillère à la présidence Bouthaina Chaabane a indiqué notamment que « des efforts étaient menés pour améliorer les relations avec Ryad ».

Pour le chercheur syrien Chadi Ahmad, la prochaine étape sera marquée par « le rétablissement de la confiance » avec les pays du Golfe.

Quelles options pour les adversaires ?

Si certaines zones du pays comme Idleb, dernier grand bastion jihadiste et rebelle du pays, ou les régions kurdes, lui échappent, Assad a réussi grâce à l’aide de la Russie à reprendre les deux-tiers du pays. Face à cette situation, la marge de manœuvre de l’opposition, minée par les divisions et dont les principaux responsables vivent à l’étranger, semble plus que jamais réduite.

Pour le politologue Karim Bitar, les détracteurs d’Assad « ont très peu d’influence sauf peut-être continuer de plaider leur cause sur la scène internationale ».  Il avance cependant qu’à long terme, le président lui-même pourrait se sentir « l’otage de ses parrains internationaux, notamment la Russie et l’Iran ». Et que « tôt ou tard, la donne va changer et l’opposition va voir la lumière au bout du tunnel ». « Mais actuellement, pour être honnête, je vois très peu de raisons d’être optimiste », dit-il.

LQ/AFP