La coalition menée par les États-Unis tente d’étouffer un peu plus le groupe État islamique en s’attaquant à la dernière zone de contact des jihadistes avec le monde extérieur, à la frontière avec la Turquie.
Les Forces démocratiques syriennes, une coalition arabo-kurde dominée par les milices kurdes YPG, ont lancé une offensive pour reprendre la ville de Minbej, dans le nord de la Syrie, avec l’appui de la coalition internationale qui a mené 18 bombardements près de la ville en 24 heures. La ville est stratégiquement située sur l’axe nord-sud entre Jarablus, une ville frontière avec la Turquie tenue par l’EI, et Raqa, la capitale autoproclamée des jihadistes en Syrie.
C’est «le principal axe d’approvisionnement» de Raqa depuis le monde extérieur, a indiqué Jennifer Cafarella, analyste sur la Syrie à l’ISW (Institute for the study of war), un cercle de réflexion de Washington. Prendre Minbej, puis Jarablus, couperait cet axe, ne laissant plus à l’EI que des zones rurales un peu plus à l’ouest pour conserver un lien avec la Turquie, a-t-elle expliqué.
Sans Minbej et Jarablus, la capacité de l’EI à se réapprovisionner depuis la Turquie serait «affaiblie, mais pas éliminée», a-t-elle résumé. La coalition lorgne depuis longtemps sur cette «poche de Minbej», mais une offensive sur cette région à majorité arabe s’est longtemps heurtée à l’opposition de la Turquie, un partenaire clef de la coalition.
Les Forces démocratiques syriennes, l’alliance de groupes rebelles syriens sur laquelle s’appuie la coalition et les Etats-Unis pour mener l’offensive au sol, sont dominées par les milices kurdes syriennes. Or la Turquie ne veut pas voir les YPG, qui contrôlent déjà une bonne partie de la frontière turco-syrienne, prendre la dernière pièce qui leur manque pour contrôler l’intégralité de la frontière.
Mercredi, les responsables du Pentagone ont bien souligné que l’offensive sur Minbej était «menée» par la composante arabe des Forces démocratiques syriennes. Les Kurdes représentent «moins de 20%» des forces en présence, a indiqué un responsable américain. Et ils quitteront les lieux après la bataille, laissant le contrôle à leurs partenaires arabes, a-t-il ajouté. Mais les assurances du Pentagone laissent sceptiques certains experts, qui soupçonnent que derrière les groupes arabes mis en avant par les Américains, ce sont bel et bien les Kurdes qui prendront le contrôle.
Le sang versé par les Kurdes
«Je doute que les Arabes soient aux commandes et je doute qu’ils vont contrôler ce territoire une fois que des Kurdes auront versé leur sang» pour le conquérir, a déclaré mercredi à l’AFP Joshua Landis, un chercheur de l’université d’Oklahoma qui connaît bien les groupes arabes de la région. Les Forces démocratiques syriennes sont conseillées par les forces spéciales américaines, qui comptent près de 200 hommes dans le nord-est de la Syrie.
La semaine dernière, des photos montrant des forces spéciales américaines arborant des écussons des YPG sur leur uniforme ont provoqué une réaction furieuse d’Ankara. Dans un geste d’apaisement, les Etats-Unis ont demandé à leurs militaires photographiés d’enlever cet écusson. Mais ils ont clairement indiqué qu’ils continueraient d’appuyer les combattants kurdes, «qui combattent efficacement l’EI».
Les FDS ont lancé également il y a une dizaine de jours une offensive au nord de Raqa, le principal bastion syrien des jihadistes. Depuis son apogée à l’été 2014, le groupe Etat islamique a perdu environ 20% des territoires peuplés qu’il avait conquis en Syrie, selon les estimations américaines.
Le Quotidien/AFP