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Syrie : Bachar al-Assad se rapproche de la victoire dans un pays en ruines


Le président syrien "regagne le contrôle d'un pays complètement détruit" après une guerre de six ans et qui a fait plus de 330 000 morts. (illustration AFP)

Le président syrien Bachar al-Assad a pris une option pour la victoire sur ses adversaires qui voulaient le renverser mais il se retrouvera à la tête d’un pays en ruines, estiment les experts.

Assad « contrôle (…) la plus grande partie du territoire », ainsi que les zones « les plus peuplées », « et je pense qu’il va continuer à diriger la plus grande partie de la Syrie », déclare Aron Lund, expert de la Syrie à la Century Fondation. « La guerre se poursuit mais, stratégiquement, il a défait ceux qui pensaient le déposer et, sauf imprévus, je pense que le gouvernement syrien va reprendre le territoire tranche par tranche », dit-il. Le régime de Damas a bénéficié de l’appui décisif de la Russie et de l’Iran. Et, avec l’entrée dans la ville de Deir Ezzor contrôlée par Daech (EI) – quelques mois après avoir bouté les rebelles hors d’Alep et s’être emparé de larges secteurs dans le désert du sud-est -, il contrôle désormais plus de la moitié du territoire.

Selon les chiffres fournis par le géographe Fabrice Balanche, cela représente les deux tiers de la population de Syrie, évaluée actuellement à quelque 16 millions. Les Kurdes tiennent 23% du pays, l’EI 15% et les rebelles 12%. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a été abrupt en affirmant que l’opposition syrienne devait accepter qu’elle n’avait « pas gagné la guerre », tout en demandant au gouvernement de ne pas crier victoire. « Est-ce que le gouvernement, après la libération de Deir Ezzor et de Raqqa, sera prêt à négocier et à ne pas simplement crier victoire ? Est-ce que l’opposition sera capable (…) d’être assez réaliste pour réaliser qu’elle n’a pas gagné la guerre ? », interroge-t-il.

Ces déclarations ont profondément blessé l’opposition, Nasr Hariri, chef de la délégation du Haut Comité des négociations (HCN), dénonçant des propos « choquants » tout en maintenant sa demande de voir partir Assad au début d’une période transitoire.

Fragilité du pouvoir

Il y a cependant peu de chance que cette requête soit acceptée par le régime au moment où il n’a jamais été autant en position de force depuis le début, en mars 2011, du conflit qui a fait plus de 330 000 morts. Son armée contrôle les principales villes et possède une puissance de feu considérable grâce à l’appui de Moscou et Téhéran. « Je ne sais pas s’il va gagner la guerre, mais il a certainement retrouver son allant. Mais, franchement, il regagne le contrôle d’un pays complètement détruit. Je ne sais pas ce que gagner la guerre signifie dans ce contexte », note Maha Yahya, directrice du Centre Moyen-Orient de Carnegie.

D’autres experts soulignent la fragilité du pouvoir, dans un pays profondément divisé. « Assad restera longtemps (…) mais avec une forte probabilité que persistent des insurrections armées endémiques, pas directement menaçantes pour le pouvoir central mais structurellement menaçantes pour un régime dont les faiblesses -économiques, démographiques, institutionnelles- restent importantes », souligne Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie à l’université d’Édimbourg. Car si le président Assad est sur la voie de gagner après avoir frôlé la défaite jusqu’à l’arrivée de l’armée russe en 2015, la situation économique est catastrophique avec un chômage touchant 50% de la population active, un taux de pauvreté de 85% et la moitié de la population réfugiée ou déplacée.

Grâce aux victoires du régime Assad, « il va y avoir une relative éclaircie économique d’environ 18 mois-deux ans, car l’électricité va être réparée par endroits, l’extraction du pétrole et du gaz va pouvoir reprendre », affirme Jihad Yazigi, directeur de The Syria Report, l’hebdomadaire économique en ligne sur la Syrie. Mais, « en l’état actuel, je ne pense pas qu’il va y avoir une reconstruction », explique-t-il, en chiffrant celle-ci à « 200 milliards de dollars » (environ 166 milliards d’euros). Il n’y a pas d’argent dans le pays et les banques ne sont pas en état de s’occuper de la reconstruction car la totalité des actifs des 12 banques syriennes s’élève à 3,5 milliards de dollars. En outre, l’argent des expatriés rentre très peu. Et « ceux qui peuvent financer cette reconstruction comme les pays du Golfe, l’Union européenne, la Banque mondiale, n’ont pas l’intention de le faire », estime Jihad Yazigi. Car, selon lui, ils refusent d’aider un régime dont ils ont souhaité le départ et qu’ils accusent d’avoir commis des atrocités, notamment d’avoir gazé sa population, comme l’affirme le dernier rapport de l’ONU.

Le Quotidien/AFP

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