Le régime syrien a été frappé en plein coeur par une série d’attentats qui ont fait plus de 120 morts dans ses fiefs de la région côtière et ont été revendiqués par le groupe jihadiste Etat Islamique (EI).
Les attaques ayant touché Tartous et Jablé sont inédites dans ces villes relativement épargnées par la guerre qui ravage la Syrie depuis cinq ans. Elles sont également les plus meurtrières depuis 30 ans dans ces bastions des alaouites, communauté minoritaire à laquelle appartient le chef de l’État Bachar al-Assad.
Ces attentats sans précédent ont été menés alors que l’EI fait face à une pression croissante en Syrie comme en Irak, où les forces gouvernementales ont lancé lundi la bataille pour chasser les jihadistes de la ville de Fallouja.
L’EI a par ailleurs revendiqué un sanglant double attentat au Yémen, qui a fait au moins 41 morts en visant de jeunes recrues de l’armée à Aden.
A Tartous, la série d’attentats a commencé vers 9h lorsque deux kamikazes se sont fait exploser à l’intérieur de la gare routière, suivis de l’explosion d’une voiture piégée à l’extérieur, selon une source policière.
« C’est la première fois qu’on entend des explosions à Tartous et qu’on voit des morts et des corps démembrés », a témoigné Chadi Osmane, un employé de banque de 42 ans qui s’est rendu sur le lieu des explosions.
Un quart d’heure plus tard, des explosions se sont produites simultanément à Jablé, à 60 km plus au nord, devant la gare routière, la compagnie d’électricité et deux hôpitaux, a indiqué une source policière.
« A l’hôpital national, un kamikaze a fait exploser sa ceinture dans le service des urgences, tandis que dans celui d’Al-Assaad, une voiture piégée a explosé à l’entrée « , a précisé cette source. La télévision syrienne a montré des carcasses de bus carbonisées, du sang, de la fumée et des débris de vitres.
Au total, la police a fait état de quatre voitures piégées et de trois attentats suicide, tandis que l’OSDH a rapporté deux attentats à la voiture piégée et cinq attaques suicides.
L’ONG a établi le bilan à au moins 121 morts et des dizaines de blessés, la quasi-totalité des civils. Il y a au moins 78 morts, selon l’agence officielle Sana.
« C’est la première fois que Tartous est rattrapée par la guerre (…) J’ai vu de ma fenêtre des gens courir terrorisés, les magasins ont fermé et la ville est entièrement paralysée », a raconté Merhi, un peintre.
Le mode opératoire est la marque de fabrique d’Al-Qaïda, dont est issu l’EI, qui a revendiqué ces attaques selon l’agence Amaq, liée à l’organisation ultraradicale.
Ce dernier groupe n’a pas de présence connue sur la côte syrienne, contrairement au Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, qui combat le régime dans la province de Lattaquié. Mais l’organisation compte énormément sur ses cellules dormantes pour attaquer ses ennemis.
Si la revendication est confirmée, il s’agirait d’un coup d’éclat de la part de l’EI pour montrer qu’il est toujours opérationnel malgré ses défaites tant dans l’ouest de l’Irak que dans l’est de la Syrie.
Après les attentats, des habitants de Tartous s’en sont pris à des réfugiés d’Alep et d’Idleb, qui sont des fiefs de la rébellion, en les accusant de « sympathie avec le terrorisme ».
Tartous et Jablé accueillent respectivement la base maritime et l’aéroport militaire du contingent russe soutenant les forces gouvernementales.
« La montée des tensions et de l’activité terroriste en Syrie ne peut que susciter une grande inquiétude », a réagi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dont le pays mène depuis huit mois des frappes contre les adversaires du régime d’Assad. Ces attentats « démontrent une nouvelle fois à quel point la situation est fragile en Syrie et la nécessité de prendre des mesures énergiques pour relancer le processus de paix », a-t-il ajouté.
« Les attentats aux voitures piégées commis aujourd’hui par Daech (acronyme de l’EI en arabe) à Tartous (…) sont odieux », a réagi de son côté le Quai d’Orsay à Paris.
Il s’agit des attentats les plus meurtriers depuis ceux du 16 avril 1986, lors que des bombes avaient explosé à Tartous et dans d’autres localités avoisinantes, faisant 144 tués. Les autorités avaient accusé la confrérie des Frères musulmans avec l’appui financier de l’ancien dictateur irakien Saddam Hussein.
Le Quotidien / AFP