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Sur Snapchat, le trafic de pass sanitaires à plusieurs centaines d’euros fleurit


Avec son faux pass, le client est alors officiellement comptabilisé comme ayant eu deux doses de vaccin dans la base de données de l'Assurance maladie. (illustration AFP)

« Dites non au vaccin et profitez du pass sanitaire sans vous faire vacciner », « ton pass sanitaire par mail sous 8 voir 10h maximum » : il est possible d’obtenir en une journée un faux pass sanitaire sur les réseaux sociaux, en dialoguant avec des comptes dont la durée de vie n’excède pas quelques jours.

« J’ai trouvé une solution à 350 euros », explique un jeune homme de 28 ans sous couvert d’anonymat. Il assure ne pas être « anti-vaccins », mais ne comprend pas pourquoi pousser les plus jeunes à la vaccination s’ils ne sont pas vulnérables. « Si le Covid existe encore lorsque j’aurai 50 ou 60 ans, là oui, je me ferai vacciner. »

Les tests Covid constituent pour cet entrepreneur dans l’événementiel une « solution à court terme » : il redoute d’être positif car cela impliquerait un nouvel arrêt de son activité, secteur déjà malmené par la crise sanitaire. « Des vigiles m’ont expliqué que vous avez beau être celui qui organise la soirée, si je suis positif, je ne peux pas aller à mon propre event », s’agace-t-il.

Mais comment être certain que son faux pass sanitaire fonctionnera ? « C’est un plan avec des connaissances qui auront déjà testé avant moi », admet le jeune homme.

De 140 à 350 euros

Il suffit de taper les mots clés « Faux Pass Sanitaire » pour trouver des dizaines de comptes de faussaires sur Snapchat. Des publications Facebook font également la promotion de la vente de faux pass – les auteurs paient même parfois Facebook pour les mettre en avant sur les fils d’actualité des utilisateurs.

La marche à suivre est sensiblement la même : tous demandent un nom, prénom, un numéro de Sécurité sociale, une adresse mail et postale pour réceptionner le pass sanitaire. « J’envoie tes informations à mon médecin fournisseur qui t’enregistre sur ameli.fr et tousanticovid », explique un faussaire. Le client est alors officiellement comptabilisé comme ayant eu ses deux doses de vaccin dans la base de données de l’Assurance maladie : le faux pass est donc à ce titre… « vrai ».

En gage de confiance, certains vendeurs n’exigent un paiement qu’après que le client a testé son pass, quand d’autres comptes, plus suivis, se targuent d’une réputation déjà bien établie grâce à leur expérience dans les faux tests PCR ou antigéniques.

Les prix varient de 140 à 350 euros en moyenne. Le paiement se fait le plus souvent par Lydia, une application qui permet d’envoyer ou de recevoir de l’argent avec son téléphone, ou avec des coupons Transcash ou Paysafecard, à acheter sur Internet ou dans des bureaux de tabac sans que l’acheteur n’ait à délivrer d’informations relatives à un compte bancaire ou une carte de crédit. Le vendeur encaisse alors l’argent en inscrivant les codes contenus dans le coupon, sous forme de crédit à dépenser dans des milliers de sites partenaires (boutiques en ligne, sites de paris sportifs, …). « Je passe par Paysafecard parce que ce n’est pas comme PayPal, c’est intraçable », assure un vendeur.

Risques de sanctions pénales

Les coups de filet se multiplient. Le nombre de réquisitions adressées par la police à l’Assurance maladie a grimpé en flèche : 46 reçues depuis mai pour faux et usage de faux pass sanitaires, selon l’organisme, dont 10 rien que lundi et mardi, ainsi que 30 plaintes et signalements déposés par les caisses de Sécurité sociale. Un médecin en Gironde a découvert que son profil avait été utilisé sur le site de l’Assurance maladie pour professionnels de santé, afin d’éditer 55 faux certificats de vaccin; il a porté plainte et une enquête a été ouverte jeudi.

Plusieurs personnes ont été mises en examen ces dernières semaines à Paris, Grenoble ou Bordeaux. Au moins une peine de prison ferme – aménagée en détention à domicile – a même été prononcée fin juillet en Seine-Saint-Denis contre une contractuelle d’un vaccidrive qui avait généré 200 faux QR codes pour les revendre.

Il existe une « arnaque » au « faux QR code », mais la Sécurité sociale cible particulièrement les attestations frauduleuses, créées « comme si la personne avait été vaccinée, alors qu’elle n’a reçu aucune injection ».

Les faussaires risquent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, et les utilisateurs jusqu’à 3 ans de prison.

LQ/AFP