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Suisse : ces réceptionnistes qui visent les cinq étoiles


Ces compétitions «ouvrent vraiment des portes», insiste Jane Stokie, directrice chargée des compétitions chez WorldSkills. (Photo : afp)

Sur la Riviera suisse, jusqu’à dimanche, 16 jeunes se disputent le titre de meilleur réceptionniste d’hôtel du monde. Avec, comme objectif, faire carrière et redorer l’image d’un métier sous-estimé.

Debout derrière son comptoir doré, Tim Oberli arbore un large sourire pour enregistrer son client et lui montrer sa chambre. Sans jamais se départir de son calme, il répond en même temps à un homme qui réclame bruyamment une table. La scène ne se déroule pas dans un palace mais dans un décor, monté à l’étage supérieur du casino de Montreux, sur la Riviera suisse, et des dizaines de spectateurs suivent tous ses faits et gestes.

Tim Oberli fait partie des 16 jeunes du monde entier qui concourent pour le titre de meilleur réceptionniste d’hôtel du monde. Un métier méconnu qui requiert discrétion et disponibilité, et présenté pour la seconde fois seulement aux championnats du monde des métiers. À cause du covid, l’édition 2021 de la compétition qui devait se tenir l’an dernier en Chine a été reportée à 2022 et dispersée entre 15 pays où un millier de concurrents se défient dans 61 métiers différents.

«Je me sentais très nerveux»

La Suisse, réputée pour ses palaces et ses écoles hôtelières, accueille 15 des compétitions, dont quatre jours marathon pour tester les compétences des réceptionnistes d’hôtel. «Je me sentais très nerveux», reconnaît Tim Oberli, qui représente la Suisse, après la première journée de compétition. Mais il n’en a rien laissé paraître. Le jeune homme de 19 ans, costume bleu marine impeccable, les cheveux blonds soigneusement peignés, paraît très à l’aise lors d’un des jeux de rôles. Entièrement concentré sur le «client» devant lui, le jeune homme décrit les sites touristiques notables de la région, organise un appel de réveil et une commande de taxi, tout en semblant totalement ignorer les quatre juges assis à sa droite et les spectateurs à sa gauche.

Il faut être créatif, être capable d’improviser et de comprendre ce dont les clients ont besoin

De l’autre côté d’un rideau en tissu noir, les choses se déroulent moins sereinement pour Moe Omori, candidate du Japon. Elle essaye nerveusement de faire le «check out» d’un client mécontent, tout en répondant à une cliente au téléphone qui vient de se cogner la tête en tombant dans sa chambre.

Dans une pièce adjacente, d’autres candidats au titre suprême, du Kazakhstan, d’Espagne ou encore de Singapour, doivent gérer des demandes de réservation particulièrement complexes. «La compétition est quelque chose d’important», confie Tim Oberli. Il s’entraîne sans compter les heures, notamment depuis qu’il a remporté la compétition nationale SwissSkills, il y a deux ans, et pratique depuis plus longtemps encore.

A l’hôtel depuis ses 16 ans

Le jeune homme se souvient avoir passé de nombreuses vacances d’été, enfant, perché sur une chaise dans le hall d’un hôtel, prenant des notes. «J’ai toujours été impressionné», raconte celui qui a rêvé d’avoir un jour son propre hôtel, au point d’en imaginer les uniformes, les badges et les catégories de chambres. «Et quand j’ai eu mon premier ordinateur, j’ai conçu une carte d’enregistrement!», se souvient-il.

Grâce à un programme de formation professionnelle, Tim Oberli a commencé à travailler dans un hôtel de Zurich à 16 ans. Trois ans plus tard, il supervise une équipe de réception dans la luxueuse station alpine de Bergenstock, en Suisse centrale. Et maintenant, comme les autres concurrents ici, il rêve de quitter ce concours – qui s’achève dimanche – avec une médaille d’or, synonyme de coup de pouce à sa carrière.

Une compétition ouvre des portes

Ces compétitions «ouvrent vraiment des portes», insiste Jane Stokie, directrice chargée des compétitions chez WorldSkills et qui a elle-même gagné dans la catégorie design graphique dans les années 1980 : «La plupart des concurrents que nous voyons passer progressent dans leur carrière.» L’entraîneur de Tim, Egidio Marcato, serait bien sûr ravi que la Suisse et son poulain remportent l’or. «Mais nous serions encore plus heureux si nous pouvons contribuer à donner ses lettres de noblesse à notre profession», explique ce dernier, réceptionniste durant 22 ans avant de passer à l’enseignement.

Pour lui, il faut absolument rehausser l’image de ce métier, mal payé et peu respecté, mais qui nécessite pourtant une vaste gamme de compétences. Ces deux dernières années, lui et Tim Oberli ont pratiqué les «compétences non techniques» mais essentielles, notamment à travers des jeux de rôles de clients irritables et difficiles. «Il faut être créatif, être capable d’improviser et de comprendre ce dont les clients ont besoin», dit-il. En deux mots : se donner «à fond».