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Suicide au TPIY : Slobodan Praljak s’est empoisonné au cyanure


Au moment où le TPIY rendait mercredi son ultime jugement, Slobodan Praljak s'est soudainement donné la mort à l'aide d'une fiole contenant du cyanure. (photos AFP)

Slobodan Praljak, le Croate de Bosnie qui s’est suicidé il y a deux jours en avalant le contenu d’une fiole dans une salle d’audience du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye, est mort d’une insuffisance cardiaque causée par du cyanure, a annoncé vendredi soir le parquet néerlandais.

« Les résultats préliminaires des analyses toxicologiques ont montré que M. Praljak avait une forte concentration de cyanure de potassium dans le sang », a expliqué le parquet dans un communiqué après l’autopsie du corps. « Cela a provoqué une insuffisance cardiaque, soupçonnée d’être la cause de sa mort ».

Parallèlement, une enquête interne du TPIY commencera la semaine prochaine en complément de l’enquête du parquet néerlandais, sollicité par le tribunal après le dramatique incident qui a provoqué la stupeur dans ses couloirs feutrés.

Au moment où le TPIY rendait mercredi son ultime jugement, Slobodan Praljak s’est soudainement donné la mort à l’aide d’une fiole de poison, a raconté son avocat. Il venait de recevoir confirmation de sa condamnation à 20 ans de prison pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis pendant la guerre en Bosnie (1992-1995).

L’autopsie du corps a été réalisée à Rijswijk, près de La Haye, à l’Institut médico-légal néerlandais, reconnu comme étant l’un des plus importants laboratoires de médecine légale du monde. Déjà, un test provisoire avait révélé jeudi la présence d’une « substance chimique qui peut entraîner la mort » dans la fiole que Praljak a sortie de sa poche avant d’en boire le contenu d’une seule gorgée.

Suspicion sur une « complicité »

Mais deux jours après le dramatique incident, on ignore toujours comment l’accusé a pu se retrouver en sa possession et braver tous les contrôles de sécurité érigés entre sa cellule et la salle d’audience.

« Il y a une nécessité impérieuse de comprendre comment ce poison a bien pu arriver au tribunal », a dit Céline Bardet, une juriste internationale qui a exercé au TPIY. « Forcément cela jette la suspicion sur une ‘complicité’, avec beaucoup de guillemets », selon la juriste.

D’après Goran Sluiter, un avocat néerlandais et professeur de droit international à l’Université d’Amsterdam, Slobodan Praljak s’est procuré la fiole soit au centre de détention, en économisant un médicament administré dans le cadre d’un traitement, soit pendant le transport vers le tribunal, soit au sein même du TPIY.

« Et dans ce cas, cela réduirait considérablement le cercle de gens qui auraient pu l’aider. On pense alors immédiatement aux avocats. Quoiqu’il en soit, il a forcément eu de l’aide pour avoir cette fiole en sa possession en salle d’audience », a-t-il ajouté.

De l’aide, peut-être, mais « cela peut venir de nombreuses personnes », a souligné Diana Goff, une experte en droit et chercheuse à l’Institut Clingendael. Les détenus du TPIY « peuvent recevoir des visites de responsables religieux, de médecins, d’amis, de membres de la famille » et « il est très facile de faire entrer ou sortir de la contrebande dans les prisons en général, donc ce n’est pas un problème du TPIY ».

Son avocate dit n’avoir rien vu venir

« Je n’ai jamais pensé qu’il pourrait faire une telle chose, mais je comprends car c’est un homme honorable qui ne pouvait pas vivre avec une condamnation le qualifiant de criminel de guerre et sortir menotté de la salle d’audience », a confié à l’agence de presse croate Hina une avocate du défunt, Nika Pinter, dans l’avion qui la ramenait des Pays-Bas à Zagreb.

Elle a précisé qu’elle ignorait tout du plan macabre de son client et qu’au cours de leurs entretiens avant l’énoncé du verdict, Praljak n’avait en rien laissé supposer qu’il se suiciderait.

Mais dès le début, l’enquête, jugée exceptionnelle, diligentée par le parquet néerlandais s’est orientée sur « l’aide au suicide et la violation » de la réglementation sur les substances médicales.

Quant au TPIY, il prévoit de publier le résultat de son enquête interne avant sa fermeture le 31 décembre. Et c’est sur cela que s’abaissera le rideau après presque un quart de siècle consacré à juger ceux qui ont commis les pires atrocités en Europe depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale.

Le Quotidien/AFP